Outre les nombreux artistes, jeux et combats de gladiateurs à faire rougir Russel Crowe lui-même, cette neuvième édition du ComicCon Montréal était ponctuée d’un bon nombre de conférences.
Entre deux selfies avec des cosplayers et une partie rapide à la zone de jeux indie, nous avons donc pu assister à ces présentations, dans lesquelles professionnels du milieu et amateurs ont pu prendre la parole et attirer notre attention vers différentes questions et problématiques liées au monde ludique. Voici, rien que pour vous, un court résumé de celles d’entre elles qui nous ont marqué.
Le Comiccon Montreal, c’est avant tout un rendez-vous de gens passionnés par les univers geeks, aussi bien animés japonais que jeux vidéo, bandes dessinées ou jeux de rôle. Parmi ces passionnés, nous avons encore pu le constater en arpentant l’allée des artistes lors de cette édition, beaucoup sont fascinés par ces univers au point d’en faire l’essence même de leurs créations artistiques. C’est notamment le cas du groupe de Nerd-rock; Double Experience. Notre Comiccon Montreal 2017 aura donc commencé en musique lors de la conférence donnée par les musiciens originaires d’Ottawa, Ian Nichols et Brock Tinsley, fiers fondateurs de ce groupe. Entre plusieurs interludes musicales live, les deux partenaires nous ont exprimé leur passion, entre autres, pour le jeu vidéo, passion dans laquelle ils ont puisé l’inspiration nécessaire à leurs compositions musicales. Leur message fondamental: mettre la culture geek au centre d’une nouvelle forme de création artistique, dans laquelle l’artiste exploite les univers qui le passionne pour nourrir sa créativité. Tout comme on pourrait écrire, peindre ou composer en s’engageant sur des thèmes politiques, culturels ou sociaux, Nichols et Tinsley placent la culture et les univers geeks au centre de leurs œuvres. Par l’art, le gamer peut donc peut définir sa position au sein de la communauté geek, se faire l’ambassadeur de la culture geek au monde extérieur, ou encore recréer ou traduire les sensations et émotions rencontrées pendant une expérience ludique. Les chansons du groupe (que nous vous invitons à découvrir sur leur chaîne Youtube en cliquant ici) se basent notamment sur les univers du jeu Destiny, ou encore de Godzilla.
Vous êtes passionné(e) par l’univers de The Witcher, Mass Effect ou Warcraft? Suivez-donc la voie de Double Experience et vivez activement votre passion en l’utilisant pour créer. Trouvez votre muse en cet univers, laissez-le vous enchanter et transférez cet enchantement dans votre vie et dans vos créations (je suis d’humeur poétique, oui). Voilà ce que nous retiendrons de cette conférence.
Pourquoi mettre Matt Damon à la tête de l’armée chinoise dans le film récent: The Great Wall? Que font Christian Bale et Joel Edgerton en Égypte antique dans Exodus? Tant d’acteurs blancs pour tant de rôles inappropriés. Si le cinéma Hollywoodien n’a pas toujours été et n’est toujours pas un exemple quand il s’agit de l’antiracisme, le jeu vidéo n’est malheureusement pas affranchi de tout reproche en la matière non plus. Dans cette conférence donnée par Lateef Martin, créateur de la BD Z’isle (qui place l’île de Montréal au centre d’une apocalypse zombie), nous avons pu aborder la question de la représentation des minorités dans la culture populaire et les médias, et notamment dans le jeu vidéo. Dans un contexte où de plus en plus de personnes issues de minorités ethniques jouent, le whitewashing (autrement dit : placer systématiquement des acteurs/personnages blancs dans des rôles supposés être occupés par des personnes de couleur) et la représentation des différentes cultures dans les titres auxquels nous jouons deviennent des enjeux importants. Comme le climat politique actuel le prouve, la question du politiquement correct est une question sensible, notamment pour le jeu vidéo, comme nous le rappelle en permanence le fameux scandale du GamerGate (auquel nous dédierons sûrement bientôt un article). Parce que les joueurs changent et se diversifient (de plus en plus de femmes jouent également), l’un des grands défis de notre époque sera de trouver un équilibre entre un politiquement correct ridiculement abusif menant à l’autocensure et la représentation équitable et respectueuse de chacun dans les jeux. C’est un sujet immense que nous ne pouvons pas cerner en un paragraphe, mais nous prendrons certainement le temps d’y dédier un article dès que possible.
Comment combattre le whitewashing? Parce que chacun d’entre nous a une vision des autres cultures naturellement biaisée, la clé selon Martin serait de diversifier les équipes de développement et d’inclure, dans les projets créatifs, des développeurs d’origines et de cultures différentes afin d’obtenir des perspectives plus variées lors des phases de création et de tirer la sonnette d’alarme face aux inévitables stéréotypes des uns et des autres. Réagir au racisme dans les médias par le boycott et la critique est également essentiel pour faire évoluer les mentalités. Sans nécessairement tomber dans un politiquement correct exagéré ou dans l’autocensure, l’objectif est de représenter les différents protagonistes du jeu en évitant les stéréotypes désobligeants, et en s’assurant que les joueurs et les joueuses issu(e)s de différentes cultures puissent, eux aussi, jouer des héros qui leurs ressemblent et auxquels ils/elles peuvent s’identifier.
Que ce soit dans Left 4 Dead, Dying Light ou encore Dead Island, tout gamer digne de ce nom a déjà eu affaire aux morts-vivants, et plus particulièrement aux zombies, mais savez-vous d’où viennent ces créatures si utilisées à toutes les sauces dans la culture geek? Dans cette conférence, William Emond-Guénette nous a ramené aux origines des morts-vivants en retraçant leur histoire, de la représentation du «Zombi» issu du folklore haïtien jusqu’au monstre populaire sur lequel nous aimons tant passer nos nerfs dans les titres auxquels nous jouons. Bien plus qu’un simple monstre effrayant et hideux, le zombie est une créature qui traverse les époques en s’adaptant aux peurs du public et aux mœurs des sociétés. Ainsi, le cinéma américain durant la guerre froide en faisait une allégorie du communisme en mettant en scène des créatures écervelées et dénuées d’individualité et de libre arbitre. À notre époque, où la population mondiale augmente si vite et est à la merci des épidémies
telles que l’Ebola ou encore le Zika, le zombie ne sort plus nécessairement des cimetières, il est infecté et peut transmettre sa maladie. Le zombie n’est pas qu’une créature humanoïde laide, à travers les âges, il incarne les angoisses d’une société toute entière, il prête son visage à toutes les peurs.
Cette conférence nous aura donné une nouvelle perspective sur les monstres que nous combattons virtuellement. Qu’est ce qui les rend si effrayants? D’où viennent-ils? Quarante-cinq minutes peuvent difficilement couvrir en entier un sujet aussi vaste, mais elles auront ouvert notre curiosité et nous auront invité à en apprendre plus sur le sujet.
Pour améliorer les futures éditions du ComicCon, une petite critique s’impose. Malgré quelques conférences captivantes, trop d’entre elles paraissaient avoir été préparées au dernier moment, voire improvisées sur place. C’est dommage, car les sujets choisis, en eux-mêmes, ne manquaient pas d’intérêt, loin de là! Si le principe du Comiccon est évidemment de regrouper les passionnés et de s’amuser, préparer une conférence demande de la rigueur et de la préparation, ce qui n’a manifestement pas toujours été le cas. Nous remercions ceux qui ont pris le temps de venir animer ces discussions, et il est admirable et courageux de venir présenter un sujet à un événement majeur tel que celui-ci, aussi, nous ne voulons certainement pas être irrespectueux. Nous aimerions simplement, pour l’an prochain, un peu plus de sérieux et de pertinence lors des conférences. Nous entendons par sérieux plus de recherche, de préparation et de maîtrise du sujet afin d’obtenir des discussions plus instructives et intéressantes. Au delà du fun, le Comiccon devrait être une occasion de discuter et d’ouvrir sa curiosité aux innombrables questions et enjeux qui entourent le monde ludique. Hors, une fois de plus, si les sujets étaient la plupart du temps bien choisis, ils ont trop souvent été abordés d’une façon beaucoup trop descriptive, sans analyse ou structure concrète et avec bien trop peu de recherche pour légitimer le tout. Nous serons donc un peu resté sur notre faim. N’oublions pas que c’est lors d’événements comme le Comiccon que nous définissons au public ce que nous représentons et les valeurs que nous partageons en tant que communauté. Le plus de cœur et de maturité nous mettons dans ces présentations, le plus nous serons pris au sérieux à une plus grande échelle.
Parce que nous sommes entre joueurs et joueuses passionné(e)s, donner des conférences dans une ambiance détendue est essentiel (ne faisons pas venir nos conférenciers en costume trois pièces non plus) mais ce ton relâché ne doit pas se faire au dépit de l’intérêt de la présentation. Sélectionner et préparer les conférenciers avec plus de vigilance serait un grand pas en avant pour les prochaines éditions, et permettrait à chacun de ressortir de l’événement plus enrichi!
En espérant tous et toutes vous revoir dans vos plus beaux cosplays l’an prochain!