Critique – Sifu: la patience du guerrier

Quand j’étais jeune, je me suis inscris à des cours de karaté. Inspiré par ma cousine qui était ceinture noire ou quelque chose comme ça, je me voyais déjà être choisi pour représenter la Terre dans le Mortal Kombat.

Mais après quelques semaines de pratique, je suis allé voir mon sensei; quand allais-je donc avoir une nouvelle ceinture? Et surtout, quand allais-je finalement me battre contre des gens?

Parce que contrairement à ce que j’imaginais, la pratique des arts martiaux, ce n’est pas de casser des mâchoires. C’est aussi, et surtout, de répéter les mêmes mouvements d’innombrables fois, jusqu’à atteindre la perfection, et un état de zénitude presque méditatif.

Et c’est peut-être de cette façon que Sifu traduit le mieux l’univers de arts martiaux.

Mourir vieux

Dans Sifu, vous incarnez un étudiant des arts martiaux dont le nom n’est pas dévoilé. Après avoir vu votre père, le sifu, se faire assassiner sous vos yeux, vous dévouez votre vie aux arts martiaux dans l’espoir de retrouver le groupe de 5 assassins et d’accomplir votre vengeance.

À l’âge de 20 ans, donc, vous débutez votre quête. Mais c’est là que se dévoile la gimmick principale de Sifu. Chaque fois que vous mourrez, vous avancez en âge. Plus vous mourrez de fois consécutives, plus vous vieillissez rapidement.

L’âge vient avec ses avantages et ses inconvénients; l’expérience vous rend plus puissant, mais votre vie est diminuée.

Et surtout, une fois passée votre septième décennie, c’est la fin pour de bon.

Un beat ’em-up des temps modernes

Sifu est en quelque sorte l’incarnation moderne des Streets of Rage et Final Fight d’antan.

Vous vous promenez dans quelques environnements (une ville chinoise, un club, un musée…), affrontant tous les ennemis qui croisent votre chemin.

Vous avez à votre disposition des attaques rapides mais peu puissantes, des attaques lentes mais puissantes, vous pouvez lancer vos ennemis ainsi qu’utiliser des armes que vous trouvez au sol pour causer des dommages importants.

Un petit hommage à Oldboy?

Au fil de votre aventure, vous pouvez également débloquer des attaques afin d’enrichir votre arsenal. Attention, toutefois: certaines attaques deviennent inaccessibles une fois que vous avez passé un certain âge. Après tout, ne me demandez pas de faire le grand écart; je n’ai plus 20 ans.

Ceci étant dit, le mouvement le plus important de votre arsenal n’est pas une attaque, mais bien la parade. Les ennemis attaquent sans relâche, et si vous vous contentez de bloquer, vous encaisserez quand même des dégâts.

Mais en appuyant sur le bouton de bloc au moment même où l’ennemi vous attaque, vous pourrez parer son attaque, et possiblement le désarconner. C’est également le meilleur moyen de briser la garde des ennemis; une fois leur barre complètement remplie, vous pouvez exécuter une attaque spéciale qui éliminera instantanément l’ennemi tout en vous redonnant un peu de vie.

La quête de la perfection

Sifu est un jeu difficile.

Ce qui ajoute un niveau de difficulté considérable, c’est que vous ne rajeunissez pas entre chacun des 5 niveaux. Disons que vous avez 34 ans à la fin du premier niveau, vous commencerez le second niveau à cet âge.

Et si vous avez eu beaucoup de difficulté contre le boss du dernier niveau, et que votre compte de morts est à 5 (ce qui veut dire que vous vieillirez de 5 ans à votre prochaine mort), vous commencez le niveau avec ce compteur à 5. Il y a quelques façons de diminuer ce chiffre, mais c’est définitivement une difficulté supplémentaire.

Vous devrez donc constamment revenir en arrière pour essayer de retrancher quelques années à votre score. La première fois que j’ai réussi à compléter le premier niveau, j’avais 54 ans. Je l’ai refait des dizaines de fois, jusqu’à ce que je réusisse à le faire sans mourir une seule fois.

Une corvée essentielle, puisque le boss du second niveau me causait de graves problèmes. Chaque année que je pouvais économiser comptait.

Cette zone-là était un peu terrifiante.

J’ai d’ailleurs du me frotter à ce boss de nombreuses fois également. Je mourrais trop souvent, et je débutais le 3e niveau avec un score ridiculement élevé, ce qui faisait que le premier ennemi qui me tuait au 3e niveau retranchait 8 ou 9 années de ma vie. Beaucoup trop.

Vous êtes également encouragés à recommencer les mêmes niveaux de nombreuses fois, afin de débloquer des attaques dans l’arsenal de votre combattant.

Chaque fois que vous recommencez des niveaux, vous perdez ce que vous aviez débloqué… sauf les attaques que vous avez débloqué de façon permanente, au coût de beaucoup, beaucoup de points d’expérience.

Ça devient essentiel si vous espérez triompher.

Court mais long

Chaque niveau amène notre combattant dans le domaine d’un des 5 assassins. Si vous savez bien compter, oui, ça veut dire qu’il n’y a que 5 niveaux.

Mais ça ne veut pas dire que le jeu est court pour autant.

En fait, je pense que c’est le moment de vous faire une confession: je n’ai pas (encore) complété le jeu. J’essaie de toujours compléter les jeux dont je fais la critique. Je trouve important de voir ce qu’un jeu à offrir jusqu’à la fin avant de donner mon avis.

Le problème, c’est que même après avoir passé quelques dizaines d’heures sur Sifu, je suis toujours bloqué au 4e niveau. Je n’ai pas encore affronté le boss de ce niveau (et honnêtement, si je me fie aux niveaux précédents, ça me prend autant de temps me rendre à un boss que de maîtriser l’affrontement).

Sifu est un jeu, très, très difficile. Il vous faut vraiment apprendre à maîtriser toute l’étendue des habiletés de votre combattant, prendre en compte l’environnement et votre situation par rapport aux ennemis et surtout, maîtriser le timing des parades.

La vengeance engendre la vengeance et tout ça.

Trop difficile?

C’est un couteau à double-tranchant. D’un côté, quand vous réusissez une section difficile, le sentiment d’accomplissement est difficile à décrire. Je me rappelle encore quand le déclic s’est fait dans ma tête et que je me suis mis à dominer un boss qui jusque-là me causait énormément de souffrances. Très satisfaisant.

Mais de l’autre, si vous êtes aisément frustrés, ou que vous aimez découvrir un grande variété de niveaux, Sifu sera un véritable supplice pour vous.

Je me situe quelque part entre les deux. Sifu est un jeu extrêment peaufiné, et les moments de triomphe sont puissants.

De l’autre côté de la médaille, la frustration est réelle. Et contrairement à un jeu comme Celeste, par exemple, qui est difficile mais qui n’est pas punitif (vous ne perdez pratiquement rien quand vous mourrez), Sifu est difficile ET punitif. La mort ne rend pas seulement le progrès dans un niveau caduque, mais elle est parfois le signe qu’il faudrait revenir en arrière et recommencer des niveaux précédents, quitte à perdre certaines habiletés déjà débloquées.

La vérité, c’est que si je n’avais pas eu une critique à remettre, j’aurais peut-être arrêté de jouer à certains moments. Je suis un joueur patient, mais je ne suis pas immunisé à la frustration.

Si vous faites partie de ces joueurs qui aiment se torturer, lancez-vous sur Sifu. Vous allez adorer. Mais pour les autres, peut-être vaut mieux vous mettre à la méditation et développer votre patience avant de saisir la manette.

Verdict

Les plus

  • Un système de combat peaufiné
  • Contrôles précis
  • De grands triomphes

Les moins

  • Peu de niveaux
  • Un niveau de difficulté qui peut agir comme repoussoir.

Note finale

8.5 / 10