C’est le 23 juin 1996 que Nintendo sort sa fameuse Nintendo 64, première véritable console 64 bits contrairement à l’Atari Jaguar. Retour sur sa carrière.
Project Reality
Avant de sortir la console, il a bien fallu la construire. Ce fût, pour la première fois, une tâche conjointe entre Nintendo et une société américaine. En effet, le microprocesseur qui allait donner son nom de code à la machine vient de Silicon Graphics. Ceux-là même dont les stations de travail sont utilisées dans l’industrie du cinéma (Terminator 2 Judgment Day, Jurassic Park). Puis plus tard dans l’industrie du jeu vidéo puisque cette fructueuse collaboration démarrera avec Donkey Kong Country.
Ce que l’on sait moins en revanche c’est que Nintendo n’était pas en premier sur la liste de Silicon Graphics. Le fondateur, Jim Clark, a effectivement appelé son ami de longue date Tom Kalinske, qui n’était nul autre que le président de SEGA of America. Le processeur 64 bits aurait donc pu servir à SEGA! Mais les pontes de la maison mère au Japon refusaient toute alliance avec l’extérieur pour concevoir leur prochaine console. On sait tous comment le vent à tourner pour le pionnier de l’arcade…
Toujours est-il que Nintendo a accepté et accueilli cette collaboration à bras ouverts. Les joueurs en ont eu des échos dès le 23 août 1993 lorsque le communiqué de presse est officiellement diffusé. Les magazines le relaient bien évidemment et le train de la hype est lancée.
Du rêve à la réalité, la sortie de la Nintendo 64
Alors que la communication prévoyait une sortie en 1995, les joueurs ont dû se montrer plus patients. Ce n’est effectivement que le 23 juin 1996 que le Project Reality se concrétise pour les Japonais. La console coûte 25 000 yen (l’équivalent de 250$ américains de l’époque), utilise des cartouches et est accompagnée de seulement trois jeux.
Mais quels jeux! En tout cas pour deux d’entre eux. Le premier est la raison pour laquelle la Nintendo 64 est la première console à posséder un joystick analogique de série. Il s’agit bien évidement de Super Mario 64! Le joystick trônant au milieu de la manette à trois branches sert bien évidemment à se déplacer dans les nouveaux mondes en trois dimensions. Le second est également une itération 3D de son prédécesseur et c’est bien de Pilotwings 64 que l’on parle. Le troisième est un jeu de shogi présent pour on ne sait quelle raison.
La sortie américaine a lieu à peine quelques mois plus tard en septembre 1996. Entre temps les magasins d’import n’hésitent pas à facturer les passionnés lourdement pour une console japonaise. Il pouvait en coûter jusqu’à 700$ américains pour une machine en provenance directe du Japon. Quand on sait qu’elle ne coûtait que 199$ à sa sortie officielle le 29 septembre 1996, certains ont dû s’en mordre les doigts. Ce prix est bien entendu choisi pour concurrencer la PlayStation et la Saturn déjà bien établies. Si le Canada, donc le Québec, est servi en même temps que son voisin du sud, la France, elle, doit attendre le 1er septembre 1997! Les jeux sont les mêmes qu’au Japon hormis le jeu de shogi bien évidemment.
Les jeux marquants
Si la Nintendo 64 est souvent moquée pour son effet de flou, elle a tout de même eu droit à son lot de jeux marquants. Super Mario 64 est bien sûr de ceux-là. Son pseudo monde ouvert était impressionnant en 1996/1997. Passer de Super Mario World à Super Mario 64 est un véritable choc! Les mondes sont immenses, et en trois dimensions. On s’y perd au départ mais l’émerveillement est de tous les instants.
Mais que dire de The Legend of Zelda Ocarina of Time? Nintendo nous avait offert une aventure de longue haleine avec l’épisode Super NES. Mais les développeurs ont mis les bouchées doubles pour décupler l’univers d’Hyrule. C’est bien simple, encore à ce jour, Ocarina of Time reste l’un des épisodes les plus appréciés de la saga. Pour certains, il est le meilleur, point. Quand on sait que l’on commence l’aventure avec un Link enfant pour finir adulte, on a une bonne idée de son immensité.
Quelle n’est pas la surprise des joueurs lorsqu’ils voient un autre épisode de The Legend of Zelda arriver? Moins de deux ans après Ocarina of Time, Majora’s Mask pointe le bout de son nez. Premier épisode chapeauté par Eiji Aonuma, il est résolument plus sombre que son aîné. Son principe de limite de temps de trois jours a perturbé de nombreux joueurs. Une fois que l’on s’y fait cependant, Majora’s Mask se révèle être l’un des plus profonds de la série.
Enfin on ne peut passer à côté de Mario Kart 64 qui introduit également la 3D à la série permettant de jouer sur la profondeur et la verticalité des circuits. Le mode Battle à quatre était bien entendu l’un des préférés des joueurs. On enchainait les parties sans parvenir à s’arrêter. Du fun de bout en bout.
Les jeux non-Nintendo
Mais la Nintendo 64, ce n’est pas que des jeux made in Nintendo. Comment ne pas citer les productions de Rare? Bien que la firme de Kyoto possède des billes dans l’entreprise anglaise à ce moment-là, les jeux restent développés par les britanniques exclusivement. Nous allons tout d’abord citer GoldenEye 007, tiré du film éponyme, le 17ème de la saga James Bond. Il prend la forme d’un jeu de tir à la première personne. La présence du joystick analogique sur la manette change complètement la donne. On se souvient encore avec effroi de Kileak sur PlayStation, un autre FPS qui se jouait à l’aide de la croix directionnelle. GoldenEye 007 le battait à plates coutures d’autant plus que l’on pouvait jouer jusqu’à quatre en même temps. Qui ne se souvient pas du niveau en sous-sol avec les mines de proximité? Les fous rires étaient nombreux et le combat acharné.
Puis Rare a conçu la série Banjo en commençant par Banjo Kazooie qui marche dans les pas de Super Mario 64 tout en ayant sa propre identité. Mais le baroud d’honneur des britanniques est bien évidemment Conker’s Bad Fur Day qui prend tous ces univers chatoyants à contre pied. Pour ceux qui ne connaissent pas, imaginez Happy Tree Friends, en moins sanglant mais plus vulgaire avec des animaux tout aussi mignons. On ne s’attendait pas prendre part à une telle aventure sur une console de Nintendo et pourtant!
Citons également Sin & Punishment, un bijou de rail-shooter par Treasure. Fighters Destiny de Genki, l’un des meilleurs jeux de combat sur la console. ISS 64 de Konami qui a défaut de nous offrir des épisodes de Castlevania finis, nous donne un exceptionnel jeu de foot. Quest 64 (Holy Magic Century en Europe), l’un des rares représentants du RPG sur la console.
Bilan
Mais c’est bien le manque d’éditeurs tiers qui a porté préjudice à la Nintendo 64. Rendez-vous compte! Square déserte pour se retrouver chez Sony et connaître le succès avec Final Fantasy VII. Electronic Arts est à peine présent. Les cartouches sont horriblement chères pour les développeurs. Ils devaient en commander au moins une dizaine de milliers pour pouvoir prétendre à développer sur la machine de Nintendo. À côté les machines concurrentes, hormis la Jaguar au départ, utilisent toutes le CD-ROM qui contient infiniment plus d’espace. Mais surtout ce format optique coûte bien moins chers à produire!
Au final la Nintendo 64 se vendra à 32,93 millions d’exemplaires dont près de 21 millions en Amérique du Nord. On est bien loin des 102,49 millions de PlayStation. Mais surtout au Japon, la Nintendo 64 fait figure de bonne dernière derrière la Saturn de SEGA. Désormais on attend l’itération Mini de la machine comme Nintendo l’a fait pour la NES et la Super NES. Les rumeurs en tout cas vont dans ce sens. Peut-être une annonce au Tokyo Game Show?
Pour aller plus loin, n’hésitez pas à vous procurer l’Anthologie Nintendo 64 parue aux éditions Geeks-Line et rédigée par Mathieu Manent. L’ouvrage est disponible en français ou en anglais.