Codenames
Âge : 14+ (plutôt 10+)
Joueurs : 2 à 10
Durée : 20 min.
Auteur : Vlaada Chvàtil
Illustrateurs : Stéphane Gantiez, Tomáš Kucerovský
Éditeurs : Czech Games Edition, Iello
Distributeur au Québec : Distribution Le Valet
Année : 2015
Thématique : Espionnage
Genre : Jeu d’ambiance, Jeu de mots
Codenames aurait pu être inventé il y a des siècles. Les anciens Sumériens, vers 3200 avant J-C, auraient bien pu disposer de petites tablettes de pierre gravées en grille sur le sol pour se lancer ensuite des indices cryptiques comme “Gilgamesh 3” ou “Ziggourat 2” et célébrer la victoire en équipe. Pourtant, étonnamment, Codenames n’est paru qu’à l’été 2015. Mais pourquoi donc s’est-il hissé à la vitesse de l’éclair en tête du palmarès des jeux d’ambiance de tous les temps, supplantant même Twister avec votre “crush” du moment? (Les palmarès de jeux de société ne savent pas ce qu’ils manquent)

Le jeu est simple : on dispose sur la table une grille de 5 par 5 mots (25 au total). Chaque mot appartient secrètement à l’une des deux équipes (rouges ou bleus), est neutre ou est le très craint (et fatal!) mot « assassin ». Deux équipes s’affrontent alors dans une course pour qu’un joueur par équipe (le «maître-espion ») fasse deviner au reste de son équipe les mots qui leur « appartiennent » avant que l’autre équipe aie fait de même. Il ne peut utiliser que des indices composés strictement A) d’un mot et B) d’un nombre de cartes dans la grille qui sont reliées au sens de ce mot . Il pourrait,par exemple, utiliser « SOLEIL 2 » ou « SABLE 3 » pour faire deviner des mots comme « DÉSERT » et « OASIS ». Ce serait si simple s’il ne devait pas prendre garde à éviter les indices pouvant pointer vers les mots appartenant à l’autre équipe (ce qui fait perdre son tour),ou pire, l’assassin (ce qui fait perdre la partie!). Le livre de règles est simple, clair et bien illustré, mais ultimement assez redondant,puisque les gens sauront jouer dès que vous aurez ouvert la bouche pour le premier indice.

Alors, pourquoi tant d’amour pour un jeu si simple? Trois facteurs me sautent aux yeux:
- On se sent incroyablement astucieux lorsqu’on trouve LE bon mot, et voir son équipe sélectionner sans hésitation toutes les bonnes cartes nous remplit d’une joie aussi intense qu’immensément satisfaisante.
- Il se développe une complicité magique. Entre les membres d’une équipe, c’est comme partager une excellente « inside joke » depuis des années. Et que ce soit “les gars contre les filles” ou “les Tremblay contre les Sénécal”, la bonne humeur s’étend même à l’équipe adverse!
- Logistiquement, c’est un charme. Des joueurs peuvent arriver, partir en plein milieu de la partie, et ça fonctionne bien qu’on soit 4 ou 8 joueurs (même à 9 ou 10,ça passe bien).
Ceux qui s’attendent à un jeu enlevant d’espionnage seront déçus : le thème et les illustrations ne sont qu’un mince prétexte pour ce jeu de mots. Est-ce grave? Aucunement! Quand on a l’élégance de Codenames, on peut se permettre une certaine désinvolture sur le thème. Les parties sont courtes, « punchées » et on n’a même pas le temps de se tanner de ses coéquipiers, surtout quand on est mis à notre tour dans le siège du “maître-espion” et qu’on réalise que c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît.

Le petit secret honteux de Codenames? Le matériel n’est pas particulièrement splendide. Ah! Il accomplit sa mission avec décence, mais personne ne fera “wow, c’est quoi ce jeu, je veux jouer!” en passant à côté de votre table. Certains choix concernant le matériel, en partant, sont plus que douteux : les mots sont écrits dans les deux sens de la carte (pour que l’équipe et le maître-espion puissent les lire), mais l’un des deux sens est un peu pénible à lire. En plus, disposer des cartes rectangulaires dans une grille carrée avec une carte de référence qui a aussi une grille carrée peut porter à confusion et causer occasionnellement des petites erreurs.
COMBO CRITIQUE! Codename Pictures!
Alors, maintenant que vous savez à quel point c’est simple de jouer à Codenames, il vous vient en tête qu’on pourrait aussi jouer avec des images. N’ayez crainte, ils ont pensé à vous : Codenames Pictures est sorti cette année. Une image valant 1000 mots, ses 280 dessins loufoques sont une bonne affaire!

La qualité du matériel, ici, mérite d’être soulignée : les cartes sont carrées, jolies et avec un joli fini, et chaque dessins est un petit délire d’imagination(un père noël surfeur,un chevalier avec une moppe, etc.). Étrangement, on a maintenant des cartes carrées qu’il faut disposer dans une grille rectangulaire de vingt cartes (4×5), mais le principe est le même.
On comprend assez vite que c’est la version “accessible” de Codenames : non seulement on peut jouer avec des enfants, mais on peut faire fi de la langue et des barrières internationales. Vous préférerez sans doute cette version avec votre enfant de 7 ans, dans une auberge de jeunesse en voyage ou avec votre cousin illettré, mais dans l’ensemble,la version originale, avec des mots, reste la meilleure, en permettant plus de subtilité dans les indices.
BONUS CRITIQUE! Codename Deep Undercover!
Même jeu, mêmes règles, mais cette fois avec des mots “pour adultes”, qui peuvent se prêter à toutes sortes de quiproquos malpropres. Question : quel serait le premier indice qui vous vient en tête si vous aviez à faire deviner les mots « SAUCISSE », « BANANE » ET « NOUILLE »? « ALIMENTS 3 » bien sûr! Non? Ça ne se dit pas devant les enfants? C’est probablement la version pour vous alors…
Et au final?
Codenames est sans le moindre doute un “classique instantané”, qui sera joué pour plusieurs années à venir. On ne s’en lasse pas, la dix-huitième partie est aussi amusante que la première. C’est un tour de force que de faire un jeu qui réussit à faire participer des gens de tous âges, joueurs intenses comme néophytes, et à remplir leur soirée de rires et de camaraderie.