L’industrie vidéoludique japonaise des années 1990 était synonyme de prises de risques, de nouveautés et d’innovations, autant de termes désormais perdus dans des productions toujours plus dispendieuses. Dans ce contexte économique florissant, le jeu vidéo s’était taillé la part du lion et avait fini par devenir partie intégrante de la vie des japonais. Squaresoft, petite entreprise à l’origine de Final Fantasy en 1987, s’était par ailleurs spécialisée dans les jeux de rôle à la japonaise et continuait toujours d’innover. Par exemple, rien qu’en 1995, l’éditeur-développeur commercialisait Chrono Trigger, reconnu comme l’un des meilleurs jeux jamais développés ; Seiken Densetsu 3 connu également sous le nom de Secret of Mana 2 et à des années-lumières de son prédécesseur en termes de qualité graphique, de scénario et de gameplay ; Secret of Evermore, titre développé par la branche américaine de l’entreprise ; Romancing SaGa 3, sixième épisode de la série SaGa et troisième épisode sur la console 16-bit de Nintendo ; et enfin Front Mission premier du nom qui, par ailleurs, ouvrait le bal des sorties de l’éditeur en paraissant en février 1995.
C’est à Toshiro Tsuchida que l’on doit la création de cette série alors qu’il travaillait pour G-Craft (qui signera plus tard la trilogie Arc the Lad sur PlayStation), studio qui sera par la suite absorbé par Squaresoft. C’est par ailleurs cet éditeur légendaire qui publiera puis développera les Front Mission malheureusement tombés dans l’oubli.
La série, qui se déroule dans un futur lointain, place le joueur au centre de conflits géopolitiques d’envergure dans lesquels les différentes factions s’affrontent à coup de robots géants, ici nommés Wanzer (de l’allemand Wanderpanzer, ou “armure qui marche”). En termes de gameplay, à l’instar d’un Tactics Ogre, le déplacement se fait par cases, mais la ressemblance s’arrête ici. En effet, lorsque deux unités s’affrontent, plutôt que de laisser l’action se dérouler sur la carte en vue aérienne, on a droit à des animations de très bonne facture présentant tout d’abord le robot attaquant puis celui qui reçoit les dégâts. C’est ainsi que l’on découvre la subtilité du titre de G-Craft. Les wanzers sont constitués de plusieurs modules indépendants. Les dommages subis sont ainsi aléatoirement distribués entre les membres inférieurs et supérieurs, l’abdomen et la tête. C’est la raison pour laquelle il convient de faire preuve d’une vigilance à toute épreuve. Si des dégâts répétés aux “jambes” du robot ne l’empêcheront pas d’attaquer, son déplacement sera sévèrement affecté. Par ailleurs, la personnalisation des mechas est également au centre du jeu et le joueur peut, moyennant finance, améliorer et construire des robots plus puissants que jamais.
Comme de nombreuses autres séries japonaises tels que Shin Megami Tensei, Front Mission n’a pas attendu longtemps avant de dévoiler son premier spin-off avec Front Mission: Gun Hazard paru en février 1996 toujours sur Super Famicom. La tactique laisse ici place à un jeu de plateformes / action très dynamique et difficile qui n’est pas sans rappeler Cybernator.
C’est sur PlayStation que la série continue sa route avec les sorties successives en 1997 de Front Mission 2 et Front Mission Alternative, nouveau spin-off lorgnant du côté de la stratégie en temps réel cette fois-ci. La 3D fait son apparition dans ces deux titres et les robots sont plus impressionnants que jamais, profitant d’animations plus que crédibles.
Cependant, ce n’est qu’au tournant du nouveau millénaire que la série gagne quelque peu en popularité avec la commercialisation du troisième épisode. Bien que les coûts de développement augmentent, le format optique du CD-ROM allège les dépenses et permet à Squaresoft d’exporter le titre en dehors des frontières japonaises. C’est ainsi que le monde entier a pu découvrir un épisode abouti bien qu’à la difficulté très relevée. Malheureusement, le moteur du jeu offrait des graphismes et animations plus pauvres que Front Mission 2. Cela étant dit, cette perte est compensée par la présence du Double Feature Scenario qui permet au joueur de profiter d’un second scénario qui diffère selon certains choix.
En 2002, au lieu d’explorer l’avenir de la série, Squaresoft a choisi, une fois n’est pas coutume, de revisiter le passé de la série en proposant un portage pur et simple du premier épisode sur la WonderSwan Color de Bandai et Koto Laboratory (société fondée par feu Gunpei Yokoi, l’inventeur de la Game Boy). 2003 sera une année chargée pour la série qui voit apparaître un portage du premier épisode à nouveau sur la première console de Sony cette fois-ci, bien que la seconde soit disponible depuis trois ans déjà. Des ajouts sont à noter, contrairement à la version de poche. En effet, avec un quatrième épisode prévu sur la nouvelle machine de Sony, les développeurs ont décidé d’inclure de nouveaux personnages que l’on peut retrouver dans le nouvel épisode sur PlayStation 2. Puis, comme nous l’a prouvé Squaresoft à maintes reprises, les éditions collectors limitées sont une spécialité maison et Front Mission ne fait pas exception. C’est ainsi qu’en 2003, la société commercialise Front Mission History, un coffret de toute beauté qui contient les trois premiers épisodes de la série sur PlayStation ainsi que des wanzers miniatures. Ce n’est pas tout, puisque le second épisode se dote d’un mode Quick Battle pour accélérer les phases de combat.
Bien que techniquement commercialisé au Japon en fin d’année 2003, ce n’est qu’à l’été 2004 que Front Mission 4 voit le jour en Amérique du Nord sur PlayStation 2. Long, difficile et très bien animé, ce nouvel épisode fait honneur à la série, mais sera malheureusement le dernier véritable nouveau titre de la saga à voir le jour en occident.
En effet, l’archipel japonais verra apparaître successivement Front Mission 2089, un portage du premier épisode pour téléphones mobiles, Front Mission Online, un MMO pour PlayStation 2 et PC, Front Mission 5 Scars of War pour PlayStation et Front Mission 2089-II, une suite directe au premier titre de la série, à nouveau pour les ancêtres des téléphones intelligents japonais.
Ce n’est qu’en 2007 que la série franchira à nouveau les frontières du Japon avec un portage de Front Mission premier du nom pour Nintendo DS, la console qui a très certainement connu le plus grand nombre de portages et remakes, surtout pour le genre du jeu de rôle.
Puis, c’est la traversée du désert, tant pour le pays du soleil levant que pour le reste du monde. Les amateurs de la série devront attendre 2010 avant de découvrir un nouvel épisode. Et quel épisode ! L’arrivée d’une nouvelle génération de consoles et d’une nouvelle façon de jouer avec notamment la Kinect de Microsoft a certainement donné des idées aux équipes de Double Helix, Square Enix n’agissant qu’en éditeur comme pour le premier titre de la série, mais leur exécution a été tout bonnement désastreuse. L’expérience qui devait nous immerger dans un wanzer s’est retrouvée corrompue par les sirènes du motion gaming et les contrôles répondaient peu ou mal, brisant ainsi l’immersion promise. Bien que disponible également sur PlayStation 3 et PC, Front Mission Evolved n’est en fait qu’un piètre jeu de tir à la troisième personne manette en main et n’a certainement pas le panache d’un Vanquish paru en même temps.
C’est de cette façon abrupte et malheureuse que cette série de jeux de rôle tactique d’exception s’est retrouvée aux abonnées absentes et le restera très probablement pour la prochaine décennie. Cela dit, grâce à une armée de fans, il est possible de jouer en anglais aux titres commercialisés uniquement au Japon. Mais c’est une piètre consolation quand on se rend compte du potentiel de la saga.
En termes de produits dérivés, la série s’est dotée de nombreuses figurines depuis la sortie de Front Mission 2. C’est le fabricant japonais Kotobukiya qui distribue ces statuettes depuis 1997. Les fans ont par ailleurs eu l’occasion de continuer d’être plongés dans l’univers guerrier de la série puisque toute une foule de médias a vu le jour. Qu’il s’agisse de films, d’émissions de radio, ou de bandes sonores, tout y est passé. Des manga ont aussi vu le jour avec Front Mission Dog Life & Dog Style (en référence aux « dog tags » ces insignes que les soldats portent autour du cou) en 10 tomes, tous intégralement traduits en français ; et Front Mission – The Drive un tome unique seulement disponible en japonais pour ne citer que les deux plus importants.
La palme revient cependant à Front Mission World Historica véritable bible de l’univers Front Mission avec esquisses, croquis, détails de la part des scénaristes, et tutti quanti. Malheureusement, cet ouvrage massif et unique de 560 pages est uniquement disponible dans la langue de Mishima. Une raison de plus de l’apprendre et de la maîtriser !