John Kirby s’en est allé rejoindre Satoru Iwata et Hiroshi Yamauchi
C’est en fin de semaine passée que nous apprenions le décès de l’une des personnes les plus emblématiques de Nintendo, John Kirby. Si ce nom ne vous dit rien, c’est presque normal car il ne s’agissait pas d’un créatif au sens design ou artistique du terme. John Kirby était un avocat, mais son histoire ne s’arrête pas là.
En 1982, Sidney Sheinberg, PDG d’Universal, découvre le jeu Donkey Kong par le biais d’un ses collaborateurs. On lui fait vent de la ressemblance avec King Kong : un gorille géant enlève une jeune femme et un homme grimpe pour la sauver. Sauf qu’après avoir envoyé des menaces de procès à différentes entreprises qui en faisaient déjà leur beurre comme Coleco (le jeu était inclus avec chaque Colecovision) ou bien entendu Nintendo. Howard Lincoln, l’avocat emblématique de la firme entendait ne pas se laisser faire. Et ce fut l’occasion d’un combat judiciaire à la David contre Goliath des plus importants. Mais il n’allait pas les affronter seuls. Il connaissait John Kirby de nom et de réputation. Cet avocat de la firme new-yorkaise Mudge, Rose, Guthrie, Alexander and Fredon était accessoirement l’un des meilleurs spécialistes du litige de l’époque. Il avait notamment défendu PepsiCo ou encore General Foods.
S’il ne travaillait pas et ne connaissait pas l’industrie du jeu vidéo, il n’en a pas fait moins preuve de créativité pour travailler son cas. En effet, c’est à lui qu’on doit la découverte de la faille qui allait conduire Universal à sa perte dans ce dossier. Son attaque consistait simplement à trouver puis prouver que finalement les soi-disant propriétaires de Donkey Kong ne l’étaient pas. Ils étaient même allés au tribunal en utilisant cet argument. Et les voilà quelques années plus tard qui extorquent de l’argent en utilisant l’argument inverse. Échec et mat pour Nintendo.
L’avocat passe à la postérité
Pour avoir sauvé Nintendo d’une mort certaine et lui avoir permis de gagner 1,8 million de dollars, John Kirby a été triplement récompensé. Comme le raconte David Sheff dans son excellent ouvrage Game Over Press Start to Continue The Maturing of Mario, Nintendo invita de nombreuses personnes à dîner, dont Kirby, dans la salle à manger privée d’un luxueux restaurant de Manhattan. Après le repas, en plus de ses honoraires, on présenta une photographie d’un bateau de 27 pieds qui coûtait rien de moins que 30 000 $. Ce voilier, baptisé Donkey Kong, était un cadeau de Nintendo pour remercier John Kirby de ses bons et loyaux services. Mais ils ne se sont pas arrêté là. Avec le bateau, l’avocat gagne aussi le droit d’utiliser le nom Donkey Kong pour nommer des bateaux comme il l’entend.
Mais il allait passer définitivement à la postérité au tournant des années 90 lorsque Shigeru Miyamoto nomma le petit personnage rose qui avale ses ennemis Kirby. Néanmoins, comme il le précise dans une interview donnée à Game Informer en 2011, il s’agit plutôt d’une coïncidence. Car au moment de choisir le nom, les designers avaient une liste de noms et parmi eux se trouvait Kirby. Le nom a surtout été retenu car proche du mot japonais pour dire mignon et comportant des sons doux.
Quoi qu’il en soit on salue cet artiste du litige et on le remercie d’avoir sauvé Nintendo, sans quoi, le paysage vidéoludique serait bien différent.