J’ai aimé Jotun (2015) ainsi que Sundered (2017), les deux premiers jeux du studio montréalais Thunder Lotus. Loin de servir du réchauffé, les développeurs s’évertuent à nous proposer des expériences de jeu différentes d’un titre à l’autre, autant au niveau de l’atmosphère que de la jouabilité. Spiritfarer ne fait pas exception, et va même jusqu’à INNOVER, dans un marché vidéoludique parfois… contingenté.
Très belle première impression
J’écris ce texte en décompressant d’une session intensive de six heures, tenue la veille sur le compte Twitch de Jeux.ca (archivée ici pour quelques jours, si l’exercice de visionnement vous intéresse.) J’y ai amplement détaillé mes impressions. Pour faire court, disons que j’ai adoré les quatre premières heures, soit celles où la magie de la découverte opère.
Spiritfarer est une œuvre magnifique qui prend d’abord les allures d’un jeu de plateformes 2D, mais qui se transforme rapidement sous ses vraies couleurs: un jeu de gestion. Il porte la signature du studio, c’est-à-dire des graphismes dessinés à la main et des animations fluides et détaillées. Spiritfarer est l’un des plus beaux jeux auxquels j’ai joué. Chapeau! Les personnages que l’on rencontre, le plus souvent des animaux anthropomorphiques, sont attachants dès le premier regard. Les décors sont époustouflants, la musique est mélodieuse, bref vous comprenez l’idée. C’est beau.
Au départ, si je me suis intéressé à Spiritfarer, ce fut parce que j’ai été attiré par son atmosphère positive. Partout dans les vidéos promotionnelles, on y voyait Stella, la protagoniste, en train de donner des câlins aux divers personnages qu’elle rencontre. J’ai trouvé très rafraîchissante cette idée où on allait être amené à développer des affects significatifs pour les agents du récit, chose que peu de jeux réussissent à faire. Audacieux, ce titre nous promettait de devoir faire des adieux déchirants et de vivre des deuils. Or, après mes six heures de jeu, je n’ai malheureusement pas réussi à vivre pareille émotion.
Relaxer ou courir?
Spiritfarer est un long jeu. J’ai lu ailleurs sur le net qu’il se tient dans la trentaine d’heures de contenus. Pour remplir l’expérience, le pari de Thunder Lotus est d’offrir aux joueurs et aux joueuses une pléthore d’activités à faire. Naviguer sur l’océan, explorer des îles, recueillir des ressources, acheter et vendre du matériel, construire des bâtiments sur le bateau, cuisiner, pêcher, jardiner, donner des câlins, nourrir les invités, faire la conversation, traverser des tempêtes… et j’en passe. Je me souviens après deux heures m’être questionné sur le moment où j’allais sortir du tutoriel. Même si je variais mes actions, je sentais que je faisais, grosso modo, ce que j’étais censé faire, en termes de linéarité.
Quand le jeu s’est finalement ouvert un peu plus à l’exploration, je me suis mis à analyser les boucles de motivation. Au début, j’ai trouvé ingénieux le fait que le déplacement entre les îles sur la carte prenait quelques minutes en temps réel, et que, de l’autre côté, des tâches sur le bateau devaient être faites pour être transformées en ressources. Cela fait habilement varier l’expérience de jeu, d’autant plus que ces tâches sont des mini-jeux très bien conçus. Le joueur ou la joueuse a un premier objectif, celui de se rendre à une nouvelle destination, puis de l’autre côté, celui de transformer ses ressources ou, du moins, faire croître l’économie de ses installations. Il ne s’agit pas vraiment ici de pure maximisation, car il n’y a pas de décompte de jour ou quelconque pression de performance.
Sauf que! Tout joueur habitué ou intéressé à opter pour des choix intéressants aura aussi l’occasion de « min-maxer » son temps s’il le souhaite. C’est un jeu de gestion après tout. L’ennui, c’est que le jeu ouvre un énorme éventail d’actions possibles en même temps, tellement que je me suis surpris à demeurer à quai pendant de longues périodes. Je me suis retrouvé dans un cycle exponentiel de pluie de ressources et de tâches à accomplir à en perdre le souffle. J’avais 3 personnages sur le bateau, tous en train d’attirer mon attention sur un marathon de nouvelles requêtes ou morceaux de récits diégétiques. Vous vous souvenez de Navi dans The Legend of Zelda : Ocarina of Time?
Détrompez-vous, je ne suis pas en train de dire que Spiritfarer est un mauvais jeu. Plusieurs personnes sont passées dans le stream me demandant si le jeu valait la peine d’être acheté. La réponse courte est : oui, définitivement. Des émotions, j’en ai eu. J’ai ri et j’ai été enchanté par l’univers. Et, apparemment que, plus tard dans le jeu, on en vient à verser quelques larmes. J’en veux simplement à un jeu de gestion trop intensif. Comme si on avait réduit a posteriori la distance de navigation, la durée de la pousse des légumes et autres éléments du genre pour réduire le temps de jeu global, jugé peut-être trop long devant la version finale.
Pas un jeu hardcore
C’est probablement une question de public cible. Je suis habitué à optimiser et j’aime ça. Je pense qu’un joueur ou une joueuse qui prend son temps aura une toute autre impression du jeu. Je crois aussi que l’expérience visée en est justement une plus relaxante. On ne fait qu’avancer, que son rythme soit rapide ou lent. Impossible de mourir ou de faire des erreurs. Je n’ai pas testé ce qui arrive quand on néglige nos amitiés, car il est amplement simple de savoir quand les personnages sont « dus » pour être nourris ou pour recevoir un câlin. J’oserais même dire qu’un coup la nouveauté de la mécanique dite de câlin passée, elle devient une tâche comme les autres : « pèse sur X pour faire monter la barre de bonheur ».
Spiritfarer est un jeu qui se distingue par son approche apaisante et non hardcore, offrant une expérience douce et immersive centrée sur le voyage et la gestion. Dans un monde où de nombreux jeux mettent l’accent sur des défis intenses et des combats frénétiques, Spiritfarer invite les joueurs à ralentir et à apprécier une aventure emplie de narrations réconfortantes et de visuels apaisants. Cette philosophie de jeu, axée sur le bien-être et la détente, se retrouve également dans d’autres formes de divertissement, comme lorsqu’on choisit de jouer sur un casino en ligne sécurisé. Ici, l’enjeu n’est pas seulement de gagner, mais de profiter d’une expérience de jeu sereine, où la sécurité et le plaisir sont au rendez-vous, sans la tension des environnements plus compétitifs.
Je me rappelle aussi avoir utilisé dans le stream la métaphore du sucre à la crème. C’est super bon du sucre à la crème. La première bouchée est une explosion de saveur. On peut manger un carré en entier et on regarde le reste du plat, se disant qu’on va tout le manger. Mais après quelques morceaux, on réalise que c’est beaucoup de sucre, jusqu’à en devenir saturé. C’est un peu l’impression que j’ai eu de mes six heures de Spiritfarer. Et je ne pense pas finir mon assiette.
Finalement, il est peut-être là mon deuil : celui d’avoir payé près de 40$ un jeu que je ne terminerai pas, faute de temps ou d’intérêts à y investir. J’ai suffisamment vu de quoi il était capable. J’avoue aussi que ce n’est pas l’histoire qui m’interpelle le plus dans les jeux vidéo, alors je préfère me diriger vers des expériences de gestion mieux ficelées. Spiritfarer a sa place dans le paysage vidéoludique. C’est une œuvre culturelle magnifique dont le studio peut être fier. Elle innove sur sa thématique.
Bref, il s’agit d’un jeu qui ne répondra pas complètement aux attentes de la tranche la plus hardcore d’entre nous. Et c’est bien correct comme ça.
Notez que dans l’équipe Jeux.ca, à l’interne, des collègues ont manifesté le désir d’émettre une critique plus approfondie, suivant la complétion totale du jeu. Une vision différente de la mienne pourrait bien apparaître. Restez à l’affût!
Verdict
Les plus
- Univers magnifique et thématique innovante
- Mini-jeux très bien conçus
- Plaira aux joueurs et joueuses plus frivoles
Les moins
- Jeu de gestion pouvant donner l’impression d’être débordé
Note finale
8 / 10