Les protagonistes muets, c’est un peu niaiseux

Plus le temps passe, plus le scénario des jeux se complexifie.

Fini le temps où le scénario était fait de trois phrases imprimées à la hâte dans le manuel d’instruction (anyway, y’en a pu de manuel d’instruction).

De plus en plus, les jeux semblent vouloir imiter le 7e art et proposer des histoires qui vont rester avec les joueurs.

Et c’est tant mieux. Les moyens techniques progressent, et on peut créer des expériences de plus en plus captivantes. Profitons-en!

Pourtant, une relique d’une époque plus simple persiste encore dans les jeux: le protagoniste muet.

Et je déteste ça.

Comment désarmorcer toute tension dramatique

ATTENTION: CETTE SECTION CONTIENT DES SPOILERS MAJEURS POUR FIRE EMBLEM: THREE HOUSES.

Fire Emblem: Trop relax

Récemment, je jouais à Fire Emblem: Three Houses.

À la moitié du jeu, environ, Byleth, le personnage principal, se découvre de nouveaux pouvoirs. Après un affrontement avec un puissant sorcier, il se retrouve enfermé dans une dimension parallèle.

Mais une solution s’offre à lui: Sothis, la jeune fille mystérieuse qui le suit depuis le début de son aventure (et que seul Byleth peut voir), lui propose de fusionner avec elle, afin qu’elle lui passes ses abilités.

Byleth, soudainement habillé tout de blanc avec les cheveux verts scintillants, réussit alors à ouvrir une brèche entre les dimensions pour tuer le sorcier qui l’avait enfermé.

De retour à l’académie, Rhea, qui est en gros le pape de l’Église qui contrôle tout le continent où se déroule le jeu, explique à notre personnage ce qui se passe: la jeune fille avec qui il a fusionné n’est nulle autre que la déesse.

Bref, il vient de fusionner avec Dieu elle-même, et il brandit maintenant ses pouvoirs.

La réaction de notre personnage?

Il hoche la tête et puis s’en va.

À partir de là, j’ai un peu décroché. Quand t’apprends que t’es l’incarnation terrestre de Dieu, plusieurs réactions sont possibles: crier avec incrédulité, te mettre à rire parce que tout ça semble exagéré, aller faire un tour chez le médecin parce qu’on craint de perdre l’esprit…

Une réaction définitivement PAS NORMALE, par contre, serait d’hocher la tête de façon stoïque, comme si on venait d’apprendre que la cafétéria sert du pâté chinois pour souper.

Pas d’immersion sans liberté

Les développeurs aiment dire qu’ils choisissent de rendre leurs protagonistes silencieux afin de permettre aux joueurs de s’identifier plus facilement à leur avatar.

Mais à mon avis, c’est faire fausse route.

On s’identifie à un personnage quand on se reconnaît en lui. Je me suis identifié à Spider-Man au cinéma parce que comme moi, il aime faire des blagues, il est un peu nerd et il vit des insécurités.

Je ne me serais pas davantage identifié à Peter Parker s’il avait hoché la tête sans rien dire quand il a appris qu’Oncle Ben était mort.

Le protagoniste silencieux peut fonctionner dans un RPG plus occidental où on construit vraiment son propre personnage.

Dans Skyrim, par exemple, on peut comprendre que le protagoniste ne parle pas, puisque c’est à nous de décider comment il agirait face aux situations qu’il vit.

On peut choisir de rejoindre le roi, de le tuer, ou même de lui mettre des paniers sur la tête et de courir autour de lui flambant nu. Tout est possible.

Mais un RPG comme Fire Emblem ne nous donne pas vraiment cette liberté. Peu importe ce qu’on fait, notre personnage va se soucier de ses amis, il va se battre pour la justice, et il va tenter d’aider tout le monde.

C’est un personnage en soi, avec ses propres valeurs et ses propres comportements. Ce n’est pas moi, et je le comprends bien (dans la vraie vie, si j’étais pris dans le milieu d’une guerre, probablement que je me sauverais en pleurant).

Alors pourquoi faire réagir mon personnage de façon si extraterrestre sous le prétexte de l’immersion? Vous avez déjà brisé l’immersion en créant un personnage qui choisit comment il réagit aux événements sans me consulter. Pourquoi s’arrêter quand vient l’heure de lui écrire des lignes de dialogue?

Je veux être clair: je n’ai rien contre les RPG « japonais » plus linéaires. Je les préfère même souvent aux RPG occidentaux.

Mais tant qu’à me faire imposer une histoire linéaire qui met en vedette un muet sans émotions, je préfère de loin que les développeurs inventent leurs propres personnages.

Et de préférence, des personnages qui réagissent avec plus qu’un petit hochement de tête quand ils apprennent qu’ils sont colocs de corps avec Dieu.