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C’est quoi le problème des gamers avec les femmes?

Depuis longtemps, j’affiche mon étiquette de gamer fièrement. Bien sûr, à une époque, j’étais un peu gêné de parler de ma passion pour les jeux vidéo, parce que c’était vu comme « pas cool » et « une affaire de nerds », mais en vieillissant, j’ai réalisé que les jeux vidéo avaient apporté énormément de positif dans ma vie, et que je n’avais pas à avoir honte d’être passionné par quelque chose.

Par contre, depuis quelques temps, je me surprends à préférer éviter de dire que je suis un gamer. L’école secondaire est loin derrière moi; ça n’a rien à voir avec une inquiétude immature pour ma cote de popularité.

C’est plutôt qu’il devient de plus en plus difficile d’ignorer le côté parfois hargneux et carrément discriminatoire d’une certaine partie de la communauté des joueurs.

Et il n’y a probablement pas de meilleur exemple que la récente controverse autour de l’inclusion des équipes féminines dans le prochain NBA 2K20.

Des femmes sur le court de basket, des joueurs dans les années 50

Jeudi dernier, la joueuse du Storm de Seattle Breanna Stewart a annoncé qu’elle ferait partie de NBA 2k20, confirmant du même coup l’ajout de la WNBA (Women’s National Basketball Association) au titre de basketball annuel.

Et de façon malheureusement prévisible, la nouvelle a été accueillie avec dédain et moqueries par une large part de la communauté.

Sur Reddit, les modérateurs ont dit avoir passé les derniers jours à enlever ce meme, parmi d’autres tout aussi misogynes:

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Parce que oui, en 2019, on en est encore aux blagues de sandwiches

Si vous vous dites qu’il ne s’agit probablement que d’une poignée d’idiots cachés derrière l’anonymat permis par Reddit, sachez que les commentaires sur Facebook n’ont été guère plus glorieux:

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« J’ai entendu dire que dans le mode Carrière, tu peux aller chercher des tampons quand c’est ce moment du mois. Bloody (qui signifie à la fois « super » et « saignant » « épatant! »)
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« Cool, enfin un jeu de 2k dans lequel je peux marquer dans mon propre panier, lancer plusieurs  »ballounes » dans la même partie et faire monter mes statistiques à un point où je serai peut-être capable, ou pas, de faire un slam dunk à l’apogée de ma carrière. »
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« Lol, c’est triste que les gens soient tellement offensés par des commentaires sur Internet qu’ils en font des textes et qu’ils bloguent pour dire à quel point ils sont choqués. La WNBA, c’est la NBA pour les clowns. [Les joueuses] sont pratiquement toutes des gars qui portent du maquillage. Haha mais sérieusement. Grandissez, l’internet est un mauvais endroit pour les gens faibles. »

Et ces commentaires ne sont pas des cas isolés. Allez vous balader dans les commentaires de n’importe quel article qui traite de l’ajout de la ligue féminine au jeu, et vous verrez, les commentaires misogynes pleuvent.

Parions que cet article n’y échappera pas.

Pourquoi cette misogynie?

De toute façon, ce n’est pas vraiment de NBA 2K20 dont j’avais envie de parler. Je ne connais rien au basket. Et les rares fois où j’ai joué à des jeux de la série NBA, je me suis fait démolir.

Je ne suis pas une sommité dans le domaine.

On pourrait parler de nombreux exemples où les gamers dévoilent leur côté sombre; il y a eu la colère de certains joueurs parce que les personnages principaux de Wolfenstein Youngblood sont des femmes (pas parce que le jeu contient des micro-transactions ou parce que le scénario est moins travaillé que dans les titres précédents, mais parce que les personnages principaux ont un utérus), le fameux Gamergate, ou tout simplement, les innombrables récits de femmes qui se disent harcelées quand elles jouent en ligne.

Mais ça vient d’où, tout ça?

Des gens beaucoup plus intelligents que moi se sont posés la question.

Surtout, ne pas jouer à des jeux de filles

Soraya Chemaly, une activiste féministe, y allait d’une analyse intéressante l’an dernier pour Polygon. Selon elle, une bonne partie de l’identité des hommes se bâtit sur le fait de ne pas être une femme.

Combien de fois un garçon se fait-il dire qu’il court comme une fille, qu’il lance comme une fille? Et si on peut accepter qu’une fille porte le linge de son chum, bien des gars préféreraient mourir plutôt que de porter du linge « pour femmes ».

Pendant longtemps, les jeux vidéo ont été vendus aux garçons avant tout. Les gros seins coniques de Lara Croft n’ont pas été dessinés pour les femmes, après tout.

Mais de plus en plus, les jeux s’ouvrent aux femmes. Quand on intègre des femmes dans un jeu, comme dans le cas de NBA 2K20, certains hommes peuvent croire que le jeu se féminise et se sentir attaqués.

Bridgett Blodgett, professeure adjointe à l’Université de Baltimore, ajoutait également dans ce texte de Polygon que le fait que les jeux aient été vendus aux hommes pendant si longtemps peut avoir une influence sur la réaction violente qu’on observe aujourd’hui.

Pendant des années, l’industrie a dit aux garçons qu’ils étaient la clientèle la plus importante pour eux. Sauf que le marché du jeu s’agrandit, et on se rend compte qu’il y a beaucoup d’argent à faire en diversifiant la clientèle.

Soudainement, les garçons qui se sont toujours fait dire par l’industrie qu’ils étaient les plus importants reçoivent comme message qu’ils ne sont pas plus importants que les autres.

Quand ton identité se construit autour du jeu vidéo, ça peut être insultant.

Personne ne veut se faire battre par une fille

L’identité, c’est un concept important. Personne ne veut se voir comme un perdant.

Le titre de cet article de 2015 de Wired, Gamers Who Troll Women Are Literally Losers, a donc de quoi faire sourciller.

Mais Wired rapportait dans ce texte une étude fascinante menée par deux chercheurs qui offre des clés pour mieux comprendre le sexisme.

Dans cette étude, on a observé le comportement de joueurs qui jouaient à Halo 3. On a donc mené des parties en lignes, de trois façons différentes: sans micro, avec des phrases pré-enregistrées avec une voix masculine, et avec les mêmes phrases mais lues par une voix féminine.

Les résultats sont fascinants.

Les joueurs qui perdaient réagissaient positivement aux hommes, mais TRÈS négativement aux femmes.

Ceux qui gagnaient, eux, réagissaient beaucoup moins négativement aux femmes.

Le résultat: les gamers ne veulent pas se faire battre par une fille.

La solution alors, c’est d’être désagréable avec les filles, dans le but qu’elles quittent le jeu. Après tout, si aucune fille ne joue, il n’y a aucune chance de se faire battre par une fille!

On fait quoi, maintenant?

J’aimerais dire que j’ai la réponse; fait CTRL+ALT+DELETE, mets ta TV au 4, pis le sexisme va être réglé.

Mais ce n’est pas si simple.

Il faudrait déconstruire des générations de sexisme et d’inégalité, et je ne pense pas qu’un article sur un site de jeux vidéo puisse faire ça.

Mais peut-être qu’on peut faire notre bout. Peut-être qu’on peut se parler entre chums de gars. On pourrait être smattes quand on joue avec des filles.

Surtout, on pourrait arrêter de pogner les nerfs quand des filles sont ajoutées dans des jeux.

Et on pourrait se faire nos sandwiches nous-mêmes. Les filles ont d’autres choses à faire, comme jouer au basket.

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