Critique – I Was A Teenage Exocolonist

Quand je vois l’état du monde, comme plusieurs gens de mon âge, je me demande si ça vaut la peine d’avoir des enfants. Entre la montée des nationalismes, les tensions qui ne cessent de grimper et surtout le spectre des changements climatiques dont les conséquences se font ressentir de plus en plus violemment, on se demande quelle vie sera réservée à nos descendants (si vie il y a).

I Was A Teenage Exocolonist, développé par Northway Games (un studio formé par le couple Sarah et Colin Northway), explore la question, alors qu’on incarne un·e adolescent·e de l’âge de 10 ans à 20 ans qui grandit sur une colonie formée par des rêveurs qui ont fuit les troubles de la Terre pour essayer de créer une colonie utopique l’autre bout de l’univers.

Colin et Sarah Northway, qui forment Northway games

Des souvenirs comme un jeu de carte

I Was A Teenage Exocolonist se situe quelque part entre un jeu de carte solo et un visual novel. Au début de l’aventure, vous créez votre personnage, en plus de lui attribuer quelques caractéristiques qui lui sont propres.

Puis, vous vous installez sur la nouvelle colonie, et vous… vivez votre vie. Les décisions que vous prenez influencent non seulement l’évolution de votre personnage, mais également la suite des choses pour la colonie.

Allez-vous passer vos journées à jouer de la musique? À étudier? À faire du sport avec vos amis? Et justement, qui seront vos amis? Tangent, l’intello? Dys, le sombre jeune homme qui rêve de fuir la colonie? Cal, l’amoureux de la nature?

Vos décisions changent le cours de votre vie, et les souvenirs que vous vous créez. Ces souvenirs sont alors transposés en carte à jouer. Chaque carte est munie d’une couleur et d’un nombre. Votre but est d’ordonner les cartes dans votre main afin de faire le plus de points possibles.

Les façons de faire des points ressemblent un peu aux règles du Poker; vous pouvez faire des paires, des suites ou placer les cartes de même couleur ensemble.

Certaines cartes ont également des effets qui peuvent vous aider ou vous nuire; certaines cartes, par exemples, sont arc-en-ciel, c’est-à-dire qu’elles peuvent s’agencer à n’importe quelle couleur. D’autres cartes diminuent la valeur des cartes qui l’entourent.

Bref, il faut savoir composer avec ces souvenirs pour réussir les défis, qui détermineront le progrès réalisé. Allez vous gagner le talent show? Avoir une séance d’étude particulièrement fertile? Survivre à une attaque extraterrestre?

Ce sont les cartes qui en décideront.

Des réflexions profondes

I Was A Teenage Colonist est un jeu qui confronte des thématiques sérieuses: changements climatiques, racisme, transhumanisme, diversité de genre et sexuelle, véganisme et autres questions éthiques…

C’est une profondeur intellectuelle qu’on ne retrouve certainement pas dans tous les jeux. Ces questions sont traitées avec doigté et surtout, pas de façon moralisatrice.

Les développeurs de Northway Games ne nous imposent pas de réponses, mais ils nous donnent un sacré terrain de jeu pour réfléchir à toutes ces questions essentielles.

Mais malgré les thématiques sérieuses, n’allez pas croire qu’I Was A Teenage Exocolonist n’est que noirceur et déprime.

Le jeu est parsemé de petits moments de lumière touchants, encore plus si vous prenez la peine de vraiment vous investir dans les relations avec les autres personnages du jeu. Je n’ai fait qu’une seule partie (même si le jeu appelle à plusieurs; nous y reviendrons plus tard), mais au cours de celle-ci, je me suis spécialement lié d’amitié avec Tangent et Cal.

Le dénouement de la vie de Cal, dans mon cas, a été plus heureux, et je me suis vraiment attaché à lui. Cette amitié était touchante, et je me suis surpris à vraiment aimer ce personnage fictif.

Le destin de Tang, en raison de mes décisions, a été moins heureux. Mais encore là, c’est fidèle à la vraie vie; des fois, on ne parvient simplement pas à être la personne dont l’autre aurait besoin. Ça arrive, mais ça ne rend pas ça moins triste.

Toutes les vies possibles

Passer au travers de l’adolescence de notre personnage en soit n’est pas très long; il vous faudra environ 5 heures pour vivre la jeunesse de votre protagoniste.

Mais très tôt dans le scénario, I Was a Teenage Exocolonist nous fait comprendre que cette partie n’est que l’une des vies possibles de notre héros ou héroïne. En fait, il est impossible de devenir ami avec tout le monde ou de maîtriser tous les domaines en une seule fois.

Le jeu nous invite donc à recommencer plusieurs fois pour examiner l’ensemble des possibilités; que serait-il arrivé si je m’étais plutôt spécialisé dans ce domaine? Aurais-je pu sauver la vie de tel personnage? Cet autre ami aurait-il eu un destin plus heureux?

Et avec une écriture aussi intéressante, je n’avais qu’un désir à la fin de ma partie; recommencer de nouveau.

Conclusion

Vous l’aurez compris; j’ai beaucoup aimé l’expérience offerte par I Was a Teenage Exocolonist.

Ça ne veut pas dire que c’est une expérience parfaite; visuellement, le jeu est modeste. Les illustrations sont magnifiques, mais en action, on réalise vite que ce titre a été réalisé avec un budget minimal.

On aurait également apprécié un peu plus de variété et de stratégie dans la portion jeu de cartes.

Mais ces petites récriminations ne sont rien devant le plaisir sincère et profond que j’ai eu à jouer à ce titre. J’ai réfléchi, j’ai souri et j’ai été ému.

Peut-on vraiment en demander plus à une oeuvre d’art?

Note: Une clé sur Switch nous a été remise par l’éditeur à des fins de critique.

I Was a Teenage Exocolonist est disponible sur Switch, Playstation, PC, Mac et Linux