D’un simple coup d’œil, il peut s’avérer difficile ou étrange de se familiariser avec la communauté grandissante du speedrun. C’est la raison pour laquelle je propose de discuter des grandes lignes qui font, selon moi, de ces événements un rendez-vous plus qu’intéressant pour tous fans de jeux vidéo.
Le speedrun pour les nuls
Le Awesome Games Done Quick (AGDQ), ce marathon annuel de speedrunners, s’est terminé le 14 janvier dernier. Au total, plus de 2,4 millions de dollars américains (un record) ont été amassés en dons et en commanditaires pour la Prevent Cancer Foundation, un organisme qui, comme le nom le suggère, finance la recherche sur la prévention du cancer. Puisqu’il s’agissait d’un marathon étalé sur huit jours d’affilés, nul n’a pu tout voir en direct. Mais, heureusement, les prestations sont généralement vite archivées en ligne.

À mon avis, le principal attrait pour visionner un speedrun à une convention de type GDQ est LE COMMENTAIRE. En effet, assister aux pratiques en direct sur Twitch d’un speedrunner peut paraître lassant, puisqu’il s’agit de son élément naturel, tandis qu’un vidéo de record du monde officiel sur YouTube est souvent une surprise pour le joueur lui-même, qui est très concentré sur sa performance ou qui est tout simplement muet, voire absent de la capture vidéo. Lors d’une prestation devant public, vous pourrez remarquer que derrière la personne qui joue, un canapé est installé où d’autres sont assises, séparées de l’assistance. Ces gens sur le «couch» peuvent être des commentateurs de la performance, sinon d’autres membres d’une micro-communauté liée au jeu en cours. À mon sens, un bon speedrun à la GDQ en est un où une attention particulière au discours méta-jeu a été réfléchie pour décrire les difficultés de certains segments qui ne sont pas toujours évidents à voir à l’œil nu, des anecdotes de runs catastrophiques ou tout simplement des blagues sur les incohérences du jeu de la sorte. Il est très intéressant de connaître tout le travail de recherche, d’expérimentation et d’optimisation derrière le rideau.
Ensuite, par contrainte de temps (et de justice!), les speedrunners n’ont qu’une seule chance pour démontrer leur savoir-faire. Ce qui veut dire qu’ils peuvent échouer devant la planète entière. Il arrive donc que certains joueurs optent pour des routes ou des techniques plus sécuritaires, ce qui crée une sorte de seconde catégorie unique à pareils événements, puisque la communauté sait différencier une performance avec le facteur de stress d’une autre faite en boucle à la maison. Évidemment, il arrive toujours plein d’imprévus et le fait que le public réagit aux chances et malchances de la partie en cours ajoute une plus-value au divertissement.
Finalement, le fait que de nouveaux jeux et de nouvelles catégories apparaissent chaque année participe à l‘attrait de la chose, surtout qu’à la longue, certains visages tendent à revenir, si bien qu’il est possible de développer des personnalités coup de cœur. Effectivement, certaines d’entre elles peuvent entretenir les mêmes goûts vidéoludiques que vous (ou le même humour!) occasionnant l’envie de visionner d’autres archives laissées sur le web. Naturellement, la simple curiosité de découvrir un jeu obscur peut aussi faire partie de l’équation. La partie de Virtual Hydlide de cette année en est un bon exemple. À l’inverse, c’est peut-être aussi un jeu en particulier qui stimulera votre désir de voir comment quelqu’un a de nouveau réussi à le «briser» ou à drastiquement améliorer son temps d’exécution. Par exemple, dans la communauté, Super Metroid sur Super Nintendo est généralement un événement très couru. Des courses entre plusieurs speedrunners sont aussi parfois organisées, ce qui permet de comparer les techniques et points névralgiques de certains parcours.

Lexique du speedrun
HYYYY-YPE! – Si vous entendez l’assistance crier un mot à l’unisson, tel un cri de guerre, vous pourrez peut-être déchiffrer qu’il s’agit de «Hype», qui est une sorte de running gag ou de convention à l’intérieur de cette communauté. Il s’agit d’une façon pour les annonceurs ou les speedruunners de stimuler l’assistance, afin de susciter de l’intérêt sur un événement à venir ou par pur plaisir d’entendre la foule. Un appel à ce cri de ralliement est parfois demandé par les personnes qui font des dons (donations) en échange d’un montant supplémentaire. Une autre possibilité est qu’un orbe quelconque est recueilli dans un jeu, suscitant aussi un émoi (ironique), question de souligner le ridicule de ce type d’objets forts récurrents dans le paysage vidéoludique.
ANY%/100% – Deux catégories fréquentes (il en existe plein d’autres). Any% vise à terminer le jeu le plus rapidement sans conditions précises (sauf si spécifié) et 100% consiste à ramasser tous les objets, à visiter toutes les salles ou à tuer tous les ennemis, selon le jeu en question. Un même jeu peut donc apparaitre dans plus d’une catégorie différente et un speedrunner peut être champion dans l’une ou l’autre des catégories, voire plusieurs.
FRAME WINDOW – Les ordinateurs et les jeux vidéo affichent le visuel et le mouvement à l’écran par plusieurs images (ou frame) à la seconde. Les joueurs exigent souvent qu’un jeu moderne atteigne 60 ou plus de FPS (frame per second). Parfois, certaines opérations délicates dans un jeu exigent un synchronisme encore plus précis qu’à la seconde près, soit «au frame près» (frame perfect). Cependant, les consoles plus anciennes ont un taux de rafraichissement plus lent, donc une action avec une fenêtre de 5 frames est moins difficile sur une console NES que dans un jeu PC, mais demeure néanmoins très ardue à réaliser pour nous, simples mortels.

TAS – Pour «Tool-assisted Speedrun». Il s’agit d’une présentation en direct d’une séance de jeu faite par un logiciel. Un humain a généralement entré «frame par frame» les opérations requises pour terminer le jeu de manière optimale, permettant parfois d’accomplir des prouesses qu’un speedrunner aurait du mal à réussir d’un premier coup ou à réussir tout court.
CLIP/ZIP/SKIP – Le clip est une technique qui vise à passer à travers les murs, tandis que le zip fait en sorte que le personnage est propulsé en dehors d’un objet solide (parfois de manière vertigineuse) où il n’est pas censé être, dû souvent au clip dans un mur. Le skip (lorsqu’il est permis) est un terme pour signifier une façon d’outrepasser un segment de jeu sans être obligé d’y jouer, donc de gagner beaucoup de temps.
RNG – Pour «Random Number Generation». Certains jeux se présentent toujours selon la même configuration, alors que d’autres affichent des situations variables. Un speedrun peut bénéficier du hasard pour améliorer sa vitesse de complétion ou à l’inverse la malchance des chiffres peut causer abruptement son échec. Certains speedrunners blâment à la blague le RNG pour excuser une faute de leur part, tandis que des techniques très poussées visent à manipuler le jeu pour contrôler ce hasard, ou «RNG manipulation».
RESET – Pour le fait d’appuyer sur le bouton «Reset» d’une console. À certains endroits-clés ou passé un certain stade, les speedrunners savent qu’ils ne réussiront jamais à obtenir un bon temps, ce qui les pousse à simplement recommencer une partie, par économie de temps. Il faut garder en tête que l’impact n’est pas le même entre un jeu qui se termine en moins de 10 minutes et un autre qui exige plusieurs heures de temps de jeu.
WR/PB – Des acronymes pour World Record (record mondial) ou Personal Best (record personnel). Cela est généralement déclaré à la toute fin quand le speedrunner prend connaissance de sa durée de jeu officielle.
… et plusieurs autres! – Il suffit de penser à toutes les sortes de handicaps que les joueurs peuvent s’infliger (les yeux bandés, vaincre les boss dans le désordre, sans mourir ou sans être touché une seule fois, sans utiliser l’arme principale, etc.) Pour une liste exhaustive, il existe des ressources en ligne dédiées au speedrun, comme Speedrun.com ou Speed Demos Archive.
*BONUS*
