Critique: Wargroove, un mode campagne digne d’intérêt

C’est après 40 heures de jeu sur PC que j’estime être en mesure de rédiger cette critique du jeu indie Wargroove, sorti en février 2019, gracieuseté du studio britannique ChuckleFish. Je tiens à préciser que je n’ai jamais joué Advance Wars, une propriété intellectuelle à laquelle Wargroove semble beaucoup emprunter. Je ne comparerai pas les deux titres et je ne m’entretiendrai pas non plus sur le mode multijoueur ou éditeur de cartes, que j’ai délaissé au profit de la campagne solo. Cette critique se base sur la version du jeu antérieure à la version 1.2.0, lancée le 06 mars 2019.

Wargroove est un jeu de tactique tour par tour avec un style visuel qui rappelle l’ère 16 bits. La première chose qu’il convient de préciser est que ce jeu sur grille ne comporte aucun élément de jeu de rôle. Jamais vous ne gagnerez de niveaux, n’investirez de ressources dans de l’équipement ou dans un quartier général persistants, ni n’aurez d’impacts sur le déroulement de l’histoire. À l’exception de quelques scénarios optionnels, le jeu est principalement linéaire avec une trentaine de missions. La boucle de jouabilité est relativement simple: une cinématique décrit la prémisse narrative, puis le joueur assigne les actions d’une de ses troupes au choix avant de passer à la suivante pour finalement céder le tour à l’adversaire, qui fait de même avec chacune des siennes. Le match alterne ainsi jusqu’à la victoire ou la défaite. En dehors de quelques variations, le but est de détruire la base adverse ou son commandant. Ce dernier est une unité plus puissante que les autres, ce qui entraîne un comportement tactique assez intéressant, car l’utilisation de cette unité d’élite fait souvent la différence sur la première ligne, bien que cela soit risqué. Le stress devient parfois palpable quand le commandant rase l’élimination de près, car un scénario prend au minimum 30 minutes à accomplir et peut même durer plus d’une heure vers la fin du jeu. J’ai été frustré plus d’une fois de devoir recommencer un scénario en entier pour une simple décision un peu téméraire, mais généralement la tentative qui s’en suit démontre une meilleure performance. En effet, ce qui est intéressant de Wargroove est que le joueur a le sentiment d’améliorer ses propres capacités de stratégies militaires tout au long de sa progression dans le jeu. D’un scénario à l’autre, de nouvelles unités sont intégrées et les défis augmentent en difficulté. Si le joueur est bloqué, il ne peut que faire travailler ses méninges davantage pour surmonter le défi proposé puisque, rappelons-le, il est impossible d’accumuler des ressources (grinding) pour mieux s’en sortir.

En tant qu’amateur de Final Fantasy Tactics et de Fire Emblem, l’absence d’éléments de jeu de rôle m’a rebuté au départ, mais m’a rapidement convaincu. Cette formule détient le mérite que la difficulté des missions est bien balancée. Ils ne sont pas trop difficiles ou trop faciles parce que notre équipe est bien ou mal agencée. Comme tout bon jeu tactique tour par tour, l’attention du joueur est constamment sollicitée pour prendre des décisions d’attaque, de déplacement ou d’achats de nouvelles unités. Par contre, je me dois de souligner que les animations d’attaque sont devenues rapidement lassantes et qu’elles ne pouvaient être désactivées dans la version à laquelle j’ai joué. Même si elles pouvaient être accélérées ou écourtées, j’ai eu l’impression d’avoir perdu un grand nombre de précieuses minutes sur l’ensemble de mon temps de jeu à avoir tenu mon doigt enfoncé sur le bouton qui permet de le faire.

Si Wargroove n’innove pas beaucoup, il a le mérite d’accomplir ce qu’il propose d’une manière élégante. Les conventions du style [cavalier > archer > lancier > cavalier] ou de roche, papier, ciseau sont suffisamment bien complexifiées pour conserver l’intérêt dans toute la campagne, de même que les subtilités dans le contrôle de la grille du terrain de combat. Les villages qui semblent ne servir au départ qu’à générer du revenu deviennent par exemple des postes de guérison très efficaces lorsque bien maîtrisés. Cependant, j’ai trouvé que l’interface aurait pu par moments me faciliter la vie en ne me forçant pas à retourner dans les menus quand j’oubliais quel type d’unité était le talon d’Achilles de l’autre. Il m’est aussi arrivé à quelques reprises de mettre prématurément fin à mon tour par inadvertance. Il s’agit néanmoins de détails.

Bien que la musique de Wargroove soit agréable, elle demeure néanmoins répétitive à la longue. Il m’arrive d’écouter des bandes originales de jeux vidéo dans la vie de tous les jours, mais Wargroove ne se retrouvera pas dans mes listes de lecture. J’ai même à plus d’une occasion fermé le son du jeu pour écouter un podcast tout en jouant, puisque ce type de jouabilité tour par tour permet aussi d’être un peu moins attentif. Au niveau de l’histoire, je suis forcé de la qualifier de médiocre. Il s’agit grosso modo d’une suite de rencontres avec des commandants adverses qui rejoindront un à un les rangs de la protagoniste quand ceux-ci réalisent, lorsque vaincus, qu’elle se bat finalement pour une bonne cause. Certains apprécieront la fonction Codex intégrée au jeu qui permet de lire de manière encyclopédique sur les personnages et l’univers du jeu, mais je dois avouer que je l’ai personnellement ignoré. Le ton léger et les blagues comportent au moins l’avantage que malgré tous les meurtres perpétrés tout au long du jeu, le produit demeure accessible à un public plus juvénile. Il existe aussi une manière d’ajuster le niveau de difficulté du jeu en augmentant ou en réduisant notamment les dégâts reçus, question d’accommoder des joueurs moins habitués à la rigueur de ce type d’expérience, mais sachez que cela aura un impact sur les étoiles obtenues en fin de mission.

Enfin, si vous êtes un joueur qui cherche à compléter les jeux à 100%, prévoyez peut-être le double ou le triple du 40 heures que j’ai moi-même investi, car malgré des performances que je jugeais correctes, j’ai souvent eu droit à une seule ou deux étoiles sur les 3 possibles à chaque mission. En fait, il m’a été difficile de savoir quels étaient les critères pour atteindre cette 3e étoile, ce qui m’a personnellement suffi pour abandonner cette quête. La réponse réside probablement quelque part sur internet. En dehors du mode campagne, les développeurs ont inclus un mode Arcade qui consiste à enligner cinq scénarios aléatoires avec une configuration un peu plus symétrique, mais mon expérience me laisse croire que l’intelligence artificielle du jeu n’est pas assez développée pour être un bon rival lorsqu’il n’est pas avantagé. Le mode casse-tête est quant à lui réservé à un type de joueur plus réflexif, ce qui correspond moins à mes goûts et ne m’a d’ailleurs pas tenté à plus de trois essais. Je ne le commenterai pas pour cette raison. 

Bref, comme vous pouvez le voir, j’ai apprécié mon expérience de Wargroove en général. Je le recommande à tous celles et ceux qui apprécient les jeux tactiques ou qui désirent s’y initier. Le jeu risque d’être encore meilleur suivant la mise à jour du 6 mars 2019, puisque certains aspects négatifs énoncés dans cette critique ont été ajustés, par exemple en accordant un précieux checkpoint par mission. Vous pouvez obtenir des détails à cet égard en visitant l’annonce officielle ici.

Wargroove se vend aux alentours de 22.79$ et il est disponible sur PC, Nintendo Switch et Xbox One. La version PlayStation 4 est quant à elle prévue au courant de l’année 2019.