Le phénomène des sports électroniques est en pleine expansion en ce moment et tout le monde veut en faire partie. Les Sailor Scouts, une équipe féminine basée à Montréal jouant à Overwatch, a bien voulu accepter notre demande d’entrevue lors de leur camp d’entraînement plus tôt cet été, en vue du Dreamhack Montréal qui aura lieu du 8 au 10 septembre 2017.
Les joueuses Stephanie Yan aka IDDQT (anciennement connue sous le surnom HaloKitty), co-fondatrice de l’équipe Sailor Scouts, jouant au poste de DPS, et Mélissa Beaubien aka Mixy, jouant le rôle de support pour l’organisation, nous parlent un peu plus du projet Sailor Scouts.
Jeux.ca (Guillaume Larivière) : Rapidement, comment est née cette idée d’une équipe féminine ou plutôt, comment avez-vous débuté ce projet?
IDDQT (Stephanie Yan) : L’équipe a débuté au bar Meltdown sur la rue St-Denis. À chaque vendredi se déroulait un tournoi d’Overwatch et j’y suis allée à la deuxième semaine de compétition et il n’y avait aucune autre fille. Au fil des semaines, une nouvelle fille venait pour participer. C’est ainsi que j’ai rencontré Véronique (aka Fabulous), l’autre fondatrice de l’équipe actuelle et Sara (aka SurlySheep) qui est devenue notre capitaine pendant les parties. Par la suite Élisabeth (aka Stargazer) nous a rejoint. Nous étions donc 4 filles qui voulaient jouer de façon compétitive et nous avons donc commencé à faire des recherches pour deux autres filles de la région de Montréal afin de compléter l’équipe. C’est ainsi que nous avons rencontré Mélissa.
Mixy (Mélissa Beaubien) : J’avais déjà essayé de jouer avec 2 ou 3 équipes, mais les horaires et les pratiques n’étaient jamais très sérieux. Je connaissais déjà les tournois du Meltdown et j’ai découvert qu’il y avait une équipe exclusivement féminine qui avait gagné l’un des tournois du vendredi. Je me suis dit “Oh my god! Des filles qui gagnent une compétition! Je veux jouer avec elles!”. Je les ai donc contacté et j’ai été ajouté à l’équipe juste avant le gros “boom” de popularité. Nous avons ensuite fait un appel à tous pour trouver notre dernière joueuse, car ce n’était pas toutes les joueuses que nous connaissions qui voulaient s’embarquer dans des pratiques deux à trois jours par semaine. Nous avons ainsi recruté Quake.
IDDQT : Nous avons eu beaucoup plus de réponses de filles que prévu pour joindre l’équipe, de partout au Québec. Étant une équipe de Montréal, nous voulions cependant une joueuse capable de se déplacer à des entraînements en personne ici. Nous avons fait des sélections en ligne pendant un mois environ pour terminer avec une sélection de 10 filles qui sont venues au MVA pour finalement choisir Quake dans l’équipe. Nous jouons toutes ensemble depuis ce printemps.
Jeux.ca : Pourquoi le nom Sailor Scouts?
IDDQT : Pour les compétitions du Meltdown, il faut avoir un nom d’équipe pour te faire appeler sur la scène et jouer lorsque c’est ton tour. J’ai sorti le nom par hasard, car j’aime beaucoup Sailor Moon, qui est un anime japonais. En résumé, c’est un groupe de femmes ayant différents pouvoirs qui se battent ensemble contre les forces du mal. C’est très résumé, mais c’est l’idée derrière le nom de l’équipe. Plusieurs autres suggestions sont venues avec le temps, mais l’image des Sailors est restée. Étant toutes des filles avec un “background” différent, nous travaillons toutes ensemble avec nos forces à chacune. Certaines préfèrent aller se battre, d’autres rester derrière en soutien. L’image de Sailor Moon est assez présente dans notre équipe, manière d’agir et jouer.
Jeux.ca : Votre premier événement majeur sera Dreamhack Montréal en septembre. Comment se prépare-t-on pour un tel tournoi? Avez-vous des attentes envers vous-même ou l’équipe?
Mixy : Quelques joueuses ont de l’expérience au niveau compétitif sur d’autres jeux par le passé, mais ce sera un premier gros tournois pour l’équipe Sailor Scouts. Notre but premier est de donner une visibilité aux filles sur place, de montrer que c’est possible d’avoir une équipe 100% féminine et que nous ne sommes pas toutes des “Mercy main” ! Nous n’avons aucune idée de quel sera le résultat, mais notre but premier est de faire de notre mieux et voir jusqu’où nous pouvons nous rendre. Le vrai défi pour l’équipe sera lors des compétitions l’an prochain où nous serons à notre plein potentiel et de voir ce que nous valons en équipe.
IDDQT : Moi je vise une troisième place au minimum! *rires* Nous sommes assez près de la communauté d’Overwatch à Montréal. C’est dur de dire avec certitude “Nous allons gagner Dreamhack” en connaissant la plupart des joueurs qui seront présents. L’équipe ne s’entraîne pas 8 heures par jour, 5 jours par semaine, mais nous allons faire de notre mieux.
Jeux.ca : La popularité d’Overwatch est sans équivoque. Dès le lancement du jeu, des titres bien établis comme League of Legends, Dota 2 et StarCraft II ont vu le nouveau jeu de Blizzard se tailler une place parmi les jeux les plus populaires de la planète. Qu’est-ce qui rend Overwatch si populaire d’après-vous?
IDDQT : Premièrement, j’adore les jeux de tirs et j’aime beaucoup la compagnie Blizzard et ce qu’ils ont fait par le passé comme Warcraft, WoW, Hearthstone et StarCraft. Le jeu est fait de façon où on doit jouer en équipe, est beau visuellement et que 40% des héros soient des femmes, et pas nécessairement toutes hyper sexualisées. Même les personnages sexys ne sont pas dégradants, à mon avis, et ont leur personnalité propre et unique.
Jeux.ca : Overwatch offre une très grande variété de personnages féminins de toutes les origines, taille et personnalités, et c’est effectivement un point important dans le fait que le jeu a gagné aussi vite en popularité auprès de beaucoup de joueurs et joueuses.
Mixy : Un autre point que j’ai adoré du jeu est que, en tant que fan de jeux de tir du genre Unreal Tournament ou Quake Arena où il faut une très bonne précision et rapidité pour jouer, on retrouve ces éléments dans Overwatch, mais il y a aussi des personnages qui ne requiert pas nécessairement ce talent précis. On peut jouer des héros plus stratégiques qui favorisent plutôt le positionnement ou la connaissance des niveaux, ce qui fait que je ne me sens pas totalement inutile face à un joueur qui aurait 10 ans de CS:GO d’expérience qui arrive dans le jeu. Mon choix de position et de quand foncer seront plus important que de simplement bien viser si je joue un Winston ou une Symmetra. Cela permet à des joueurs ayant moins d’expérience dans les FPS de jouer quand même un FPS et d’être bon sans être le meilleur McCree au monde.
Jeux.ca : Le projet Sailor Scouts fait-il rire de lui ou est-il victime de discrimination, sexisme?
IDDQT : Autour de nous, aucunement. Nous n’avons rien entendu ou senti de ce genre. 100% soutient par la communauté de Overwatch et les organisations. Nous visons aussi une visibilité pour les femmes au Québec pour jouer plus souvent à Overwatch et avoir plus de joueuses dans la province. Bien sur, si on regarde sur internet, des gens ne comprennent pas le phénomène, mais la majorité des commentaires viennent simplement prouver encore plus pourquoi nous avons besoin de visibilité pour les femmes pour dénoncer le sexime dans les jeux en ligne.
Mixy : C’est sur qu’en ligne, avec l’anonymat, un jeune de 12 ans peut décider qu’il t’insulte parce que tu as une voix de fille. Notre but est de rassembler les filles pour que, si elles se sentent intimidées ou dérangées par ce genre de comportement, elle peuvent jouer avec nous et avoir un support morale et s’amuser quand même! Une fille est venue nous parler suite à un reportage à la télé et nous as dit “Je ne connaissais pas d’autres filles à part moi qui jouait à Overwatch. Je trouves ça vraiment le fun de jouer avec d’autres filles!”.
Jeux.ca : Car vous avez vous-même une “communauté Sailor Scouts” si j’ai bien compris.
Mixy : Nous voulons rassembler les filles qui ne se sentent pas à l’aise de jouer avec des gars sur notre serveur Discord. Nous jouons entre filles et dans un bel esprit, le serveur est de plus en plus populaire.
IDDQT : Nous avons déjà une trentaines de filles qui jouent avec nous sur notre serveur. Certaines découvrent le monde compétitif, d’autres jouent simplement pour le plaisir. D’autres filles veulent apprendre à s’améliorer autant dans le jeu qu’au niveau gestion d’équipe, comment prendre des décisions, etc.
Mixy : Nous avons aussi des gars dans notre groupe qui nous aident et qui soutiennent le mouvement et sont heureux de voir une initiative par des filles. Nous avons aussi une chaîne exclusive aux filles au besoin si elles veulent jouer seulement entre elles, mais sinon les gars sont présent dans tous les autres canaux pour jouer en groupe. Nous ne voulons pas envoyer le message que c’est exclusif aux filles, car le message serait pareil que celui des gars qui ne veulent pas de filles dans leur groupe parce qu’elles ne sont pas “aussi bonnes qu’eux”. Notre environnement met de l’avant que les gars et les filles peuvent jouer ensemble sans discrimination.
Jeux.ca : Sentez-vous la pression d’être la nouvelle icône féminine des sports électroniques au Québec?
IDDQT : Nous sommes d’abord et avant tout porte-parole de l’équipe Sailor Scouts. Nous n’essayons pas de représenter chaque femme qui existe, mais seulement notre communauté et celles qui pensent comme nous. Je trouverais difficile et injuste de dire que je représente toutes les femmes dans les jeux vidéos.
Jeux.ca : Pensez-vous qu’il y a un marché pour les sports électroniques au Québec sur la scène francophone?
IDDQT : S’il y a une place au Canada où ça peut marcher, c’est au Québec. Les compagnies de jeux vidéos sont ici, il y a beaucoup d’argent qui se fait dans le domaine et qui va dans l’industrie par le gouvernement. Nous avons besoin d’une plus grande implication de la communauté pour faire sortir le sport électronique de son état actuel.
Mixy : Pour ma part j’ai vécu quelques difficultés à mes débuts, car je n’arrivais pas à faire comprendre à mes parents ce que cela impliquait concrètement. Je leur expliquait que c’était sérieux, qu’il y avait des compétitions, mais ils répondaient sans cesse : “Je ne connais pas ça, le esport !” comme si cela n’existait simplement pas. Il y a un bon public au Québec et les gens commencent à s’intéresser aux compétitions de jeux vidéo. Les gens de l’industrie du jeu vidéo veulent voir du jeu dans leur province. Je crois qu’il faut aussi plus de crédibilité et des gens prêts à s’impliquer dans le phénomène, car c’est dur de se faire prendre au sérieux. Dans mon milieu de gens qui ne connaissent pas de quoi il s’agit, je me sens “chez moi” avec d’autres joueurs seulement.
Jeux.ca : Quels sont vos plans pour le reste de l’année de 2017
IDDQT : Nous nous concentrons sur Dreamhack pour le reste de l’été : pratique, pratique et pratique! Nous sommes aussi en bootcamp avec le coach Lazarus, ex-entraîneur de l’équipe Nameless. Le tout est ouvert au public pour venir discuter et se pratiquer. Nous voulons aussi faire plus d’atelier de perfectionnement avec des joueurs de tout niveau. Ensuite, le reste de l’année, s’entraîner pour le Lan ETS.
Jeux.ca : Bonne chance pour Dreamhack et l’avenir de l’équipe!
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