Il ne faut pas craindre les party games

 

Je déteste les party games.

Bon, nuançons un peu.

Les activités de groupe qui consistent à barbouiller frénétiquement des tableaux blancs, à mimer des expressions connues en risquant le tour de rein, ou encore à se crier des charades jusqu’à ce que migraine s’en suive – ces activités peuvent être agréables à l’occasion, avec le bon groupe, dans le contexte approprié. Mais en tant que véritable passionné de jeux de société, j’y trouve rarement mon compte. Il me faut un minimum de stratégie, des ressources à gérer, quelques pièges à éviter… un peu de viande autour de l’os, que diantre !

Or, il se trouve que plusieurs concepteurs se sont lancé comme défi de renouveler le party game, de lui donner ses lettres de noblesse en le campant ailleurs que dans un bar bruyant ou dans une fin de soirée des fêtes durant laquelle mononc’ Roger décide de mettre un peu de vie dans le salon.

Je vous présente six de ces trouvailles, en ordre croissant de complexité et de durée. Chacun d’eux mérite son étiquette de party game mais nécessite qu’on mobilise un minimum sa matière grise.

Joueurs : 3 à 8
Âge : 8+
Durée : 15 min

Du fond de sa minuscule boîte verte, Fuji Flush n’a rien d’inquiétant : 90 cartes colorées, numérotées de 2 à 20, accompagnées de cinq paragraphes de règles. Même les joueurs les moins aguerris se sentiront en terrain connu, puisque le jeu rappelle Uno ou encore le 8. C’est tout simple : le premier qui se débarrasse de sa main de six cartes remporte la partie. À son tour, il suffit de jouer une carte devant soi : si la carte survit à un tour de table – c’est-à-dire que personne d’autre ne joue une carte plus forte – le joueur a réussi à s’en débarrasser, et joue ensuite l’une de ses cinq cartes restantes. (Sinon, la carte battue est remplacée par une autre, et le joueur n’est pas plus avancé…)

Ah, mais il y a une astuce : les cartes qui comportent la même valeur s’additionnent ! Un exemple : William joue un 7 et Béatrice joue elle aussi un 7. Leur valeur combinée est maintenant 14. Si Héloïse joue également un 7, le total montera à 21 – de quoi battre n’importe quelle autre carte sur la table ! Comme quoi, même en jouant un 20, personne n’est à l’abri.

Fuji Flush est un petit jeu sans prétention qui pourrait facilement vous occuper toute une soirée. Aisément transportable, facile à expliquer, agréable à explorer.

Pochette du jeu Codenames | Jeux.ca
©Iello

Joueurs : 4 à 8
Âge : 14+
Durée : 15 min

Un jeu d’agents secrets, ça vous dit?

Dans Codenames (que jeux.ca avait critiqué), deux équipes s’affrontent dans le bus d’identifier les agents qu’ils doivent contacter sur le terrain. Ces agents sont représentés par des cartes, chacune comportant un nom de code : triangle, brosse, ombre, centaure, etc. On utilise 25 cartes pour former une grille de 5 par 5, et chaque équipe doit identifier huit agents qui lui sont secrètement assignés. Au sein de chaque équipe, un donneur d’indices prononce un mot et un nombre : le nombre indique le nombre de cartes que le donneur d’indices essaie de faire deviner à travers son mot. Il pourrait par exemple dire « Animal, 2 » en espérant que ses coéquipiers nomment, parmi les exemples donnés précédemment, le centaure et la brosse… Les liens conceptuels ne sont pas toujours directs, et le donneur d’indices doit faire confiance à l’imagination de son équipe pour avancer dans la bonne direction.

Quand une équipe s’arrête ou commet une erreur, c’est au tour de l’équipe adverse ! La première équipe qui identifie tous ses agents est déclarée gagnante.

La boîte indique qu’il est possible d’y jouer à seulement deux ou trois joueurs, mais cette variation laisse grandement à désirer. Je proposerais plutôt aux couples de se rabattre sur Codenames Duet.

Joueurs : 4 à 8
Âge : 10+
Durée : 30 min

Dans Cash’n Guns, les joueurs sont des brigands qui doivent se partager le butin de leur dernier casse. Et bien sûr, ça tourne mal.

Chaque joueur est armé d’un pistolet en mousse et d’un nombre limité de cartes de munitions. Au début d’une ronde, chacun « charge » son arme avec une de ses cartes encore disponibles : un clic (inoffensif) ou un bang! (qui peut causer de véritables dégâts). Au signal, chaque joueur pointe son pistolet vers un autre joueur. À un deuxième signal, ceux qui sont visés peuvent coucher leur personnage, indiquant ainsi qu’ils se retirent. Les cartes de munition sont ensuite révélées et les braves joueurs encore debout en subissent les conséquences : une blessure s’ils sont atteints d’une carte bang!, ou alors rien du tout – ce qui leur permet de s’emparer d’une partie du montant au centre de la table.

On reprend la séquence depuis le début jusqu’à ce tout le butin ait été partagé. Les joueurs qui se sont retirés trop souvent (la honte !) ou qui ont été blessés une fois de trop sont éliminés, et le plus riche parmi les survivants remporte la partie.

Il faut être brave et un peu taré pour s’en sortir à Cash’n Guns.

Joueurs : 1 à 15
Âge : 10+
Durée : 30 min

Même à 15 joueurs, Ricochet Robots se joue dans un silence quasi absolu. C’est qu’il s’agit de résoudre un casse-tête plus rapidement que les autres, en effectuant toutes les permutations dans sa tête.

Quatre robots (ou cinq, selon l’édition…) sont disposés sur un plateau de jeu jonché de murs et de symboles de couleur. Les symboles sont des objectifs à atteindre, et les mouvements des robots sont simples : un robot se déplace toujours en ligne droite et ne s’arrête que lorsqu’il rencontre un mur ou un autre robot.

On retourne un jeton qui indique quel robot doit atteindre quelle case, et tout le monde se met à réfléchir – sans toucher les robots ! Dès que quelqu’un a trouvé une solution, il annonce le nombre de coups dont il croit avoir besoin. On renverse alors le sablier, qui accorde une minute aux autres pour arriver à une meilleure solution. Ce mécanisme crée une sorte de vente aux enchères inversées, ou quelqu’un commence en criant « 17 ! », puis quelqu’un d’autre réplique avec « 14 ! » et ainsi de suite.

Une fois le temps écoulé, le créateur de la meilleure solution (la plus courte) en fait la démonstration et remporte le jeton s’il avait vu juste. Lorsque tous les jetons ont été distribués, celui qui en détient le plus grand nombre est déclaré vainqueur.

De quoi chauffer un appartement avec des cerveaux lors de longues soirées d’hiver.

Joueurs : 2 à 6
Âge : 8+
Durée : 40 min

Rien ne sert de courir ; il faut éviter le milieu.

Dans Treasure Hunter (conçu par le légendaire auteur de Magic : The Gathering, Richard Garfield), les joueurs sont des chasseurs de trésor en quête de richesse. Chaque ronde, on révèle deux trésors pour chacune des trois couleurs : bleu, vert et rouge. Les joueurs jouent alors devant eux des cartes d’aventuriers numérotées (et en trois couleurs…), puis on révèle le tout. Celui qui a joué le plus de bleu remporte le trésor « max » bleu, alors que celui qui en a joué le moins remporte le trésor « min » bleu. Et ceux qui se retrouvent au milieu ? Nada.

Une ronde se termine lorsque les trésors bleus, verts et rouges ont ainsi été attribués, et que des gobelins ont été vaincus (à l’aide de cartes de chiens de garde !). Au bout de cinq rondes, le chasseur de trésor le plus riche remporte la partie.

Malgré ses règles simples, Treasure Hunter propose une suite de choix déchirants. J’adore.

Joueurs : 4 à 7 (non recommandé à moins de 4)
Âge : 10+
Durée : 42 min

Mysterium est un jeu coopératif où l’un des joueurs devient le fantôme d’une pauvre victime de meurtre. Et ce fantôme tente de faire deviner à un groupe de médiums (les autres joueurs) qui l’a tué, dans quel lieu, et avec quelle arme.

La prémisse sera familière pour quiconque a déjà mis les pieds dans une partie de Clue, mais le déroulement du jeu est aux antipodes de celui de Clue. Une série de cartes de suspects, de lieux et d’armes sont disposées sur la table. Chaque ronde, le fantôme utilise des cartes illustrées qu’il reçoit au hasard pour « inspirer » la solution aux médiums. Ces cartes comportent des illustrations totalement oniriques, à la fois ravissantes et terrifiantes, et qui peuvent suggérer différentes choses à différentes personnes. Choisissez bien à qui vous remettrez chaque image…

La partie se conclut dès que l’horloge sonne sept heures (au bout de sept rondes). La « vision » commune est comparée aux faits, et les joueurs gagnent ou perdent tous ensemble.

Mysterium est un jeu d’atmosphère unique en son genre, plus près de l’expérience collective que du jeu pur et dur. À essayer dès que vos astres seront alignés.

(En attendant, vous pouvez lire la critique de jeux.ca !)

 

Alors si, comme moi, vous croyez détester les party games, ne désespérez pas… il suffit de trouver chaussure à son pied.