Avant de débuter mon récit, j’aimerais préciser que Rajas of the Ganges n’est pas le nom le plus facile à prononcer. Ma copine adore particulièrement me taquiner en ne le prononçant pas de la bonne façon :
« Chérie, m’apporterais-tu la boîte de Rajas of the Ganges s’il te plait?
– Rajâ of de Gant-je?
– …Non chérie.
– Raha of the Ganngèz?
– …Non chérie.
– RRRRajass of the Ganngess?
– …Non chérie. Ça se prononce Rawdjazz of the Gannjeezs, mais je t’aime quand même mon amour. »
C’est pour cette raison que, chez moi, on l’appelle par son p’tit nom : Rajas.
La première fois que j’ai vu son plateau de jeu, c’était lors d’une soirée-bénéfice ludique. Je venais d’expliquer les rudiments du jeu Les Voyages de Marco Polo, un jeu de placement de dés que j’affectionne particulièrement, et je déambulais à présent au travers des quelque vingt tables installées dans la pièce. Soudainement, j’aperçois Seb, ce blondinet peu bavard, qui fronce les sourcils en regardant une partie de Rajas.
Vue de l’extérieur, sa boîte semblait me promettre un voyage au pays du nirvana avec son heureux mélange de couleurs limites psychédéliques. Mais, la joie dans mes yeux s’est vite éteinte lorsque je suis tombé face à face avec le plateau de jeu.
Au premier coup d’œil, j’ai présumé que ce serait un vrai « casse-yeux » pour les myopes. Mais rassurez-vous, vos yeux s’habitueront à cette majestueuse danse des couleurs digne des plus grands titres de Pink Floyd. Effectivement, son iconographie directe et simple vous aidera identifier les différentes actions possibles et petit à petit vous n’aurez plus besoin de scruter le plateau à la loupe afin d’identifier les zones de placement d’ouvriers.
Je dois vous l’avouer, la mécanique du placement d’ouvrier est probablement un de mes genres favoris et je n’étais pas mécontent d’apprendre que Rajas était de cette famille.
Comme dans tous bons jeux du genre, chaque joueur, à tour de rôle, place un de ses pions pour réaliser l’action de la case sélectionnée tout en payant le coût en ressources et/ou en argent.
Les joueurs continuent ainsi jusqu’à ce que tous aient utilisés la totalité leurs ouvriers. Une fois la manche terminée, la personne ayant visité Le Grand Moghol récupère le marqueur du premier joueur. Si personne n’y est allé, c’est le joueur à la gauche de l’actuel premier joueur qui le récupère. Puis, commence la manche suivante
Le but du jeu est de faire de l’argent et d’accumuler de la gloire. Plutôt simple!
Plus je regardais, moins je comprenais. Les joueurs récoltaient puis lançaient des dés. Ensuite, ils les plaçaient sur un petit plateau personnel à l’effigie de Kali, une divinité hindoue.
Au départ, je croyais avoir affaire à un jeu de placement de dés, mais jamais les dés ne se retrouvaient sur le plateau central. Les joueurs ne faisaient que les faire passer de Kali vers la réserve principale et vice versa.
Puis, j’ai compris… Les ressources sont les dés!
Les joueurs peuvent les dépenser de 3 façons :
- Par couleur;
- Par valeur;
- Par valeur de la bonne couleur.
– Un dé neutre (sans couleur) affichant une valeur sous forme de “picos” nous informe que la valeur du dé doit être exacte (pas plus, pas moins), mais que sa couleur n’a pas d’importance.
– Un dé avec une couleur spécifique qui n’affiche aucune valeur nous informe que la couleur du dé doit être respectée, mais que sa valeur n’a pas d’importance.
– Un dé affichant une valeur sous forme de “chiffre” avec une couleur spécifique nous informe qu’il faut respecter la valeur du dé et sa couleur. Si la valeur est supérieur à 6, il faut additionner deux ou plusieurs dé de la bonne couleur.
Donc, lorsqu’on désire réaliser une action, il faut respecter la condition affichée sur le plateau. Ceci vous permettra, entre autres :
– D’échanger un dé d’une couleur contre deux dés d’une autre couleur;
– De faire avancer son bateau sur la rivière pour obtenir des bonus;
– D’acquérir des dés;
– D’acquérir des points de karma qui vous permettront de modifier un dé en le retournant sur sa face opposée;
– D’acquérir des tuiles Provinces.
Au premier coup d’œil, les tuiles Province vous donneront une impression de déjà-vu. Mais heureusement, il ne faut pas paniquer! Ces tuiles devront être placées sur votre province (votre plateau individuel) pour ainsi former une machine à argent et à points de gloire.
En y regardant de plus près, j’ai remarqué que les tuiles affichaient minimalement un coût, une route et un (ou plusieurs) bâtiment.
Le coût est représenté par l’icône d’un dé ayant une valeur numérique et une couleur. Pour acquérir une tuile Province, il suffit de déposer un ouvrier à la Carrière et de défrayer le coût inscrit sur la tuile désirée. Par exemple, si la valeur est de 9 et que la couleur du dé est jaune, le joueur devra défausser des dés jaunes pour que leur somme soit égale ou supérieure à 9. Attention pas de monnaie lors de cette transaction!
Ex : Simon désir acheter une tuile province et le coût affiché sur la tuile est de 9 en dés jaunes. Il envoi d’abord un ouvrier à la Carrière, puis défausse un dé jaune de valeur 6 et dé jaune de valeur 5. Comme aucune monnaie n’est rendu, Simon est un peu déçu d’avoir dépensé deux dés dont le total donne 11, mais il n’avait pas d’autre dé jaune.
Les chemins, quant à eux, servent principalement à limiter vos options de placement. Les tuiles doivent toujours être connectées à votre palais et tant qu’au moins un chemin s’y rend, tous les placements sont permis. De plus, des bonus de placement peuvent vous être accordés si vos routes atteignent les limites de votre plateau individuel.
En plus des routes et du coût, les tuiles Province peuvent afficher deux types de bâtiment : les tentes de marchands et les bâtiments de prestige.
- Les tentes de marchands interagissent avec le Marché et rapportent de l’argent;
- Les bâtiments de prestige interagissent avec le Tableau d’amélioration et ils rapportent de la gloire.
Les tentes de marchands :
Ce sont les petites tentes bleues avec une icône de marchandise. Elles viennent avec un bonus de placement en argent représenté par une pièce de monnaie. Cette pièce détermine aussi la valeur de votre marchandise lorsqu’un de vos ouvriers visitera le marché sur plateau central.
Au marché, la rangée du haut permet d’activer des marchés vendant des marchandises du même type. Le nombre de marchés activés dépend de la valeur du dé défaussé.
Ex. : Vous placez un ouvrier sur la case du marché d’épice (rangée du haut au centre sur la photo) et vous défaussez un dé de valeur 3. Vous pourrez donc activer 3 marchés d’épices présents sur votre province et en retirer le total des pièces.
Pour la rangée du bas, il est possible d’activer jusqu’à trois marchés avec différentes marchandises, mais sans défausser de dés (Idéalement ceux affichant la plus grande valeur).
Ex. : Si vous placez un ouvrier sur l’une des deux cases du bas, vous pourrez activer jusqu’à 3 marchés de votre province (sans défausser de dés) et en retirer le total des pièces, à condition qu’ils vendent des marchandises différentes.
Les bâtiments de prestige :
Ce sont les gros bâtiments qui rapportent des points de gloire lors du placement. Une fois placés, ils sont inutiles. Il existe quatre types de bâtiment de prestige : les bleus, les jaunes, les rouges et les bruns.
Au départ, chacun de ces bâtiments a une valeur de 2 points de prestige. Par contre, il est possible d’augmenter la valeur de chacun de ces types de bâtiment jusqu’à 4 sur une échelle de valeurs en visitant, entre autres, Le Rajah Man Singh au palais. Lorsqu’on place une tuile avec l’un ou plusieurs de ces bâtiments, on regarde leurs valeurs et on marque ce nombre de points de prestige.
« Bref, rien à voir avec Carcassonne. »
« Seb, as-tu compris comment on gagne une partie?
– Ouep.
– Il y a un nombre de tour prédéterminé?
– Nope.
– Est-ce que c’est une course?
– Ouep.
– Est-ce que c’est le premier rendu à la fin de la rivière?
– Nope.
– Est-ce que c’est le premier rendu au bout de la piste de gloire?
– Pas vraiment.
– Ce n’est pas celui qui se rend, au bout de la piste d’argent, ça ne ferait aucun sens!?
– Nope.
– C’est quoi le but alors?
– Les deux pistes… Celle de l’argent et de la gloire… Elles ne vont pas dans le même sens… Le premier qui fait croiser ses marqueurs gagne.
– En passant j’aime beaucoup quand tu mets autant de détails dans tes réponses… (sarcasme) »
Et c’est à cet instant que le thème, jusque-là présent, mais timide, fit son entrée dans mon esprit en s’écriant « Say hello to my little friend! » tel Al Pacino dans le film Scarface!
En Inde, le Bouddhisme est une des philosophies les plus pratiquées et ses principes reposent principalement sur l’équilibre, le karma et le dépassement de soi-même.
Donc en suivant cette logique vous devrez :
– Équilibrer le développement de votre province en tenant compte de la valeur des marchés et des bâtiments de prestige;
– Utiliser le Karma pour modifier vos dés;
– Vous dépasser vous-même pour gagner.
En plus de vous éblouir par sa thématique superbement intégrée à la mécanique de jeu, Rajas vous fera vous questionner sur la qualité de vos décisions. Comme vous ne connaissez pas la stratégie de vos adversaires, il est difficile de prévoir les actions qui seront disponibles lorsque votre tour reviendra. Il faut vivre dans le moment présent tout en essayant d’anticiper 2 ou 3 alternatives si jamais un autre joueur utilise, avant vous, l’action que vous vouliez faire.
C’est simple :
1- Prévoyez votre coup en fonction de votre stratégie;
2- Prévoyez un 2e choix si jamais Seb vous vole votre coup;
3- Prévoyez un 3e choix juste au cas;
4- Faites une toute autre action parce que personne n’a joué son action tel que vous l’aviez anticipé.
Simple. Rajas utilise des mécaniques connues de placement d’ouvrier. Il est simple et l’iconographie est directe. De plus, je connais très peu de jeux qui utilise les dés d’une telle manière. Troyes est probablement le jeu qui se rapproche le plus de Rajas quant à l’utilisation des dés.
Excitant. Une fois que votre tour sera terminé et que vous serez en attente d’effectuer votre prochaine action, vous vous surprendrez à sentir votre rythme cardiaque augmenter.
Thématiquement splendide. Les conditions de victoire qui vous demande d’adapter votre stratégie en suivant les principes du Bouddhisme donnent tout son sens au thème.
Les gens qui me connaissent vous diront que je suis un acheteur très averti. J’aime en avoir pour mon argent. Si vous êtes patients et que vous êtes actifs sur les groupes de ventes et échanges de jeux de société, vous pourrez mettre la main sur une copie de Rajas pour environ 35-40$ dans l’usagé. Par contre, si vous êtes plus un(e) passionné(e) du type « Moi, quand j’aime un jeu je ne me contrôle plus », vous pouvez le trouver en ligne et en boutique pour environ 55-65$ et vous en aurez pour votre argent. Dans mon cas, la patience l’a emporté sur la passion.
Âge : 12+
Nombre de joueurs : 2 – 4 (optimal 3 – 4)
Durée : 60 à 90 min (à 4 joueurs, 90 min est plus près de la réalité)
Auteurs : Inka Brand, Markus Brand
Illustrateur : Dennis Lohausen
Éditeur : HUCH!
Distributeur : Franckids et Lion Rampant
Année : 2017
Langues : Multilingue
Thématique : Inde / Bouddhisme
Genre : Placement d’ouvrier