Dans le cadre du Dreamhack Montréal, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Stephanie Harvey, porte-parole de l’événement et quintuple championne du monde au jeu Counter-Strike. Elle nous parle de ses projets futurs et de ce que cela représente d’être l’un des visages les plus connus du monde du sport électronique. C’est entre deux moments avec des représentants et commentaires qu’elle nous reçoit, bien installé dans les coussins de la zone Omen HP du Dreamhack Montréal.
Jeux.ca : Qu’est-ce que ça représente pour toi d’être porte-parole de Dreamhack Montréal ?
Stephanie Harvey : Déjà, Dreamhack Canada n’a jamais eu de porte-parole par le passé. Donc j’étais honorée, je n’en revenais pas quand ils m’ont parlé de cette idée. Je fais le Lan ETS depuis 2004 et l’équipe derrière le Dreamhack était de ces Lan ETS, donc nous nous sommes tous déjà côtoyés ici et là. Nous avons fait quelques activités avant l’événement pour apprendre à se connaître afin de mieux gérer certains aspects ensemble. Je me sentais déjà dans la gang, ça a cliqué rapidement. Je les ai aidés toute la semaine avant l’événement, ce qui n’était pas prévu, car j’avais plusieurs entrevues à faire. Les dernières nuits ont été consacrées à tout assembler et aider l’équipe sur place. Puisque je suis impliquée depuis tellement longtemps dans le jeu et les lans au Québec, je connais un peu tout, ils n’ont rien à m’expliquer. En faisant la tournée avec les médias, je pouvais parler pendant 30 minutes facilement de chaque élément sans avoir de meeting ou debriefing avec l’équipe du Dreamhack. C’est là que je me suis rendu compte que j’en savais beaucoup simplement par ma passion. C’est une longue réponse pour te dire que… c’est malade! *rires*
Jeux.ca : Au-delà d’être simplement le visage de l’événement, tu es aussi fière de t’impliquer dans l’organisation. Si on t’avait demandé de l’aide sans être porte-parole, l’aurais-tu fait?
Stephanie Harvey : Avec mon horaire de fou, probablement pas. J’aurais tenté de m’inscrire avec une équipe dans un tournoi. Mais après la journée d’hier, honnêtement, j’adorerais m’impliquer de nouveau. Mon horaire me permet difficilement de prévoir si je pourrai être de retour l’an prochain. Je termine Dreamhack et le week-end prochain, j’ai déjà une autre chose de prévu!
Jeux.ca : Préfères-tu être porte-parole ou joueuse ?
Stephanie Harvey : C’est deux mondes totalement différents et je ne peux pas en choisir un. Puisque mon équipe ne pouvait pas venir ici, j’ai décidé d’accepter le rôle de porte-parole, mais si mon équipe (CLG Red) avait été disponible, j’aurais hésité à choisir un ou l’autre. J’ai l’impression que l’embranchement arrive bientôt ; soit que je devrai sacrifier des événements de ce genre, ou bien que j’arrête de jouer au niveau professionnel. Je n’ai plus autant de temps qu’avant ni l’énergie.
Jeux.ca : Pensais-tu devenir un visage, une icône du sport électronique ou avoir un aussi gros impact dans la vie des gens lorsque tu as commencé ta carrière de joueuse professionnelle?
Stephanie Harvey : Non. J’ai toujours été quelqu’un qui adorait m’impliquer dans les activités, aider les autres et démarrer des projets. J’ai donc l’impression que mon implication dans le esport s’est faite naturellement. Si je fais une entrevue, très souvent c’est pour promouvoir ma communauté, et non “moi”. On dira ce que l’on voudra, mon but est que notre communauté soit représentée positivement : ne jamais se faire passer pour des victimes, mais plutôt montrer que l’on fait des efforts, que l’on est sérieux, en santé, que l’on s’entraide et montrer comment nos événements sont malades. Ce n’est pas volontaire, mais à force d’en parler, on devient un peu une icône. Le gaming, c’est ma gang et je veux simplement aider les gens à entrer dans la “gang”.
Jeux.ca : Crois-tu pouvoir faire de la compétition longtemps? Souvent les joueurs voient leurs capacités et leur talent diminuer avec l’âge aux profits de joueurs plus jeunes et plus concentrés. Te sens-tu encore au sommet de ta forme?
Stephanie Harvey : Dès que j’arrête de jouer une semaine, j’ai besoin de trois semaines pour m’en remettre et revenir à mon niveau. C’est de plus en plus difficile de garder les deux carrières (porte-parole et joueuse). Je peux soit me concentrer sur ma carrière de joueuse à fond, tout abandonner et travailler mon image et devenir porte-parole ou autre, ou bien continuer à jongler avec les deux, mais ne jamais avoir de temps pour moi. C’est ce que je fais en ce moment, mais j’ignore combien de temps je pourrai continuer ainsi. Peut-être six mois, peut-être un an, peut-être plus, mais je ne me vois pas continuer ainsi pendant 5 ans. J’ai 32 ans, j’ai besoin de plus en plus de temps de jeu pour être bonne, j’ai moins d’énergie qu’avant et j’ai besoin de plus de sommeil pour récupérer. Il me reste surement un an ou deux encore, mais je dis ça à chaque année depuis plus de 5 ans!
Jeux.ca : Que représente pour toi un partenariat avec HP Omen ?
Stephanie Harvey : J’ai pleuré! Je revenais de Los Angeles, j’ignorais si j’allais avoir un nouveau contrat. Dans ce domaine, notre carrière peut être très précaire et on ne sait pas trop ce qui va se passer. Je retournais chez mes parents temporairement le temps de me replacer. J’étais à l’aise dans mes finances, mais mon avenir était simplement flou et sans revenu direct pour les prochaines semaines. Et puis tout à coup mon agent m’appelle pour me dire que HP me voulait comme porte-parole de la marque et il m’a envoyé au même moment le contrat. Tout le stress de l’incertitude est tombé d’un coup et je me suis dit “Ça va être une bonne année.” Depuis le début de l’année, tout s’emboite bien pour moi, c’est surement la plus belle année de ma vie dans tous les aspects : professionnel, personnel, familial. Je viens de m’acheter un condo, j’ai ma voiture, tout va bien.
Jeux.ca : Tu as mentionné le volet familial, est-ce dur pour toi d’être loin de ta famille et de la maison?
Stephanie Harvey : C’est triste, mais je n’ai plus de sentiment d’appartenance à une ville ou à un lieu spécifique. J’ai tellement habité un peu partout dans le monde que je suis bien peu importe où je suis. Ce qui me manquait dans ce rythme de vie était d’avoir un “chez-moi”. Je n’avais plus d’endroit depuis plus de trois ans. J’ai enfin mon condo depuis 3 mois et j’y suis allé 4 fois seulement! Mais même si j’y suis que pour 6 heures, toute la pression redescend et je relaxe quand j’y suis. J’ai à peine meublé l’endroit. J’ai un lit, un bureau pour mon ordinateur et c’est tout! Mais je me sens super bien. Mes parents m’ont manqué aussi, donc je suis revenu m’installer à Québec. Ils m’ont toujours supporté durant ma carrière et je voulais leur redonner en m’installant près d’eux et pour profiter de chaque moment que j’ai à Québec pour les voir et de profiter de la vie.
Jeux.ca : Pour le reste de l’année 2018, que peut-on te souhaiter ?
Stephanie Harvey : J’aimerais bien stabiliser ma marque de commerce. Je n’ai jamais le temps de travailler dessus tant mon horaire est chargé. Vous connaissez bien missharvey mais il n’y a aucun magasin, objet au visage ou au nom de missharvey. Je ne veux pas nécessairement que les gens achètent des choses à mon nom, mais j’aimerais bien avoir une marque permettant de redonner à la communauté du gaming. Que ce soit en redonnant à des organismes comme la Fondation Jasmin Roy pour lutter contre l’intimidation ou bien avec l’application “Dis-moi” pour l’échange et la discussion des jeunes sur la santé mentale, je veux aider le Québec. Après, la façon d’y arriver est à déterminer et je remets toujours à plus tard ce projet. Je m’occupe de tout ce qui est urgent dans ma carrière et ce point, malheureusement, n’est pas encore dans la case “urgente”. La marque n’a pas besoin de porter mon nom non plus. Mais ça fait partie de la réflexion aussi. Est-ce que c’est mieux que mon nom y soit ou bien on prend une nouvelle image et je m’implique derrière?
Jeux.ca : Les sports électroniques au Québec grossissent d’année en année. Plusieurs projets naissent donc celui d’amener le esport dans nos écoles. Penses-tu que cela est une bonne chose?
Stephanie Harvey : Oui. C’est une excellente chose. Si les jeunes adorent Fortnite par exemple, il va être plus facile de les faire entrer en classe, de leur donner une période de jeu pour ensuite passer aux études plutôt que de leur répéter de lâcher leur téléphone. Si le professeur comprend le phénomène et sait s’adapter à ses étudiants pour présenter sa matière, ça change toute la donne! Le jeune sait qu’il va pouvoir partager sa passion et son plaisir de jouer pendant une courte période de temps avec ses amis à l’école. En plus, on peut aussi s’impliquer au niveau de la cyberdépendance et de la cyberintimidation et montrer comment prévenir ces problèmes de plus en plus répandus. Aucun support dans les écoles n’est disponible sur ces sujets, le Québec pourrait devenir une référence en la matière dans le monde. Nous pourrions aussi montrer comment faire une meilleure gestion de l’utilisation de l’ordinateur, la posture à prendre quand on est longtemps assis, comment travailler les poignets pour éviter les tendinites, etc. Et ces conseils sont tout aussi valides pour les joueurs que les travailleurs de bureau. Imagine le jeune qui rentre à la maison et qui voit sa mère au bureau de travail et qui lui dit de mieux se tenir et de faire attention à la position de ses poignets pour éviter les blessures avec l’âge. J’en pleurerais tant ce serait incroyable. On dit que les sports nous apprennent des qualités et des habitudes que nous pourrons amener avec nous toute notre vie, pourquoi ne pas faire pareil avec le esport? Et même si le jeune ne devient pas un joueur pro, il aura appris aussi de saines habitudes, comment gérer sa consommation et son temps d’utilisation sur internet, Il pourra rester en santé et en forme, tant au bureau dans son travail que dans ses interactions avec les autres. C’est une des raisons pourquoi j’ai accepté ce partenariat avec HP Omen, car ils partagent mes valeurs d’un esprit sain dans un corps sain, de bien s’entraîner, d’avoir de bonnes habitudes de vie et m’encouragent à poursuivre dans cette voie et de partager ce style de vie.
Un énorme merci à Stephanie pour le temps alloué. Vous pouvez la suivre sur les médias sociaux
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Lien vers la fondation Jasmin Roy : https://fondationjasminroy.com/
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