Dans le cadre du Lan ETS 2019, l’équipe de Jeux.ca a eu l’immense plaisir de s’entretenir avec la Team Sailor Scouts. L’équipe s’est positionnée 7e sur 24 groupes durant le tournoi d’Overwatch ce weekend. Véronique, Stéphanie, Camille, Bree, Nadéa et Annie ont discutés avec nous de leur expérience et leur réalité en temps que joueuse dans une équipe professionnelle de sport électronique.
D’où vient l’idée du nom les Sailor Scouts ?
Stéphanie : Nous sommes de grandes admiratrices de Sailor Moon à la base. Alors, lorsque nous devions trouver un nom d’équipe pour pouvoir jouer au Meltdown, j’ai proposé Sailor Scouts. C’est aussi parce que nous sommes toutes des femmes pis les originals Sailors Scouts, étaient 5 et toutes complémentaires. Différents cheveux, habits, pouvoirs et toutes avec des personnalités fortes. Puis, une fois unies, elles deviennent invincibles !
Camille : D’ailleurs nos coachs on les appelle Tuxedo Mask !
C’est quoi votre réalité en tant qu’équipe d’esport dans l’industrie ?
Camille : Les gens qui ne sont pas nécessairement dans l’industrie commencent à être de plus en plus ouverts. Ça devient de plus en plus important aussi. Il y a encore quelques incompréhensions, c’est sûr comme si c’est un jeu de tir certains ont un peu plus de misère à comprendre, mais je vois de plus en plus d’ouverture. Normalement les gens sont au courant de l’ampleur des événements comme le Lan ETS. Mais certaines personnes ne savent pas que le DreamHack, par exemple c’est international. Je connais encore plusieurs personnes qui ne savent même pas qu’à Montréal il y avait une grosse scène d’esport et de jeux vidéo.
Annie : Justement hier j’ai vu que le Journal de Montréal avait publié un article disant : des centaines de gamers ne dorment pas pendant 48h pour jouer aux jeux vidéo. Les commentaires c’était des personnes disant : voyons donc sortez dehors, la génération de nos jours, ça pas de bon sens, etc. Parfois, j’ai encore l’impression que c’est un tabou et il faut briser les stéréotypes. Certaines personnes pensent encore que le gamer typique est dans sa cave à jouer pendant des heures, chez ses parents et se lave pas. Ce n’est pas vrai que c’est ça un gamer. Je dirais qu’aujourd’hui ça peut être n’importe qui.
Bree : Pour ma part, c’est un peu différent, parce que je joue avec deux équipes. Mais ma réalité est aussi de coordonner mes entrainements avec les autres membres de mon autre équipe. Alors, ça peut arriver que je dois pratiquer 3 jours semaines avec une équipe et que je dois tout de suite après passé avec l’autre. On est aussi rendu à un point où on est entre le semi-pro et le pro donc, c’est important d’aller dans des événements comme le Lan ETS ou bien le DreamHack et je dois bien coordonner le tout avec mes équipes pour éviter les conflits d’horaire. En plus, je dois aussi penser à ma vie personnelle, ma vie professionnelle et les streams que je fais sur Twitch. C’est beaucoup de travail tous les jours, mais j’adore ce que je fais.
Et tant que joueuses professionnelles dans une industrie où il n’y a pas beaucoup de femmes, comment le vivez-vous ?
Véronique : Je dirais que notre réalité, c’est de tracer pour la première fois l’expérience de ce genre d’équipe. La première fois qu’on est allé au Lan ETS, il n’y en avait pas des équipes de filles d’Overwatch avec qui ont pouvaient jouer, regarder ou encourager. C’était dur de voir ou comprendre ce qui état possible de faire. Donc, c’est vraiment ça qu’on souhaite faire tracer un chemin, en parler, dire que c’est quelque chose d’accessible pour n’importe qui qui a envie de s’investir dans leur passion.
C’est génial de voir que les gens sont ici pour se regrouper pour une même passion. On est ici pour promouvoir le jeu et jouer à des jeux vidéo. C’est fou de voir plusieurs femmes qui nous disent : je joue en ligne, je ne parle pas et je ne communique pas, parce que j’ai peur. Il y a, parfois, des gens qui n’osent pas le dire publiquement, mais qui nous envoie un petit message pour nous dire de continuer, ça les aide. On reçoit beaucoup d’amour, on a vraiment une belle communauté !
Stéphanie : C’est vraiment touchant ! D’ailleurs, hier on a joué avec une autre équipe y’avait une jeune fille dedans et elle a nous a dit qu’elle était tellement contente d’avoir eu la chance de jouer contre nous, parce qu’elle a commencé à jouer parce qu’elle nous a vue, pis ça lui a donné le goût. Pis elle nous a même demandé un câlin. C’était adorable.
Annie : C’est vrai tout ça, mais il y a aussi l’envers de la médaille. Internet reste un environnement toxique autant pour les hommes que pour les femmes (et même pour les enfants). Et nous, on vit des blagues sexistes. C’est pour ça qu’on est là, on se dit qu’il faut en parler, même si ce n’est pas évident.
Naéda : Juste hier, y’a une femme qui est passé devant nous et elle a dit à ses amis en nous regardant d’un air hautain : Je pourrais toute les battent à moi seule ces filles-là.
Stéphanie : Je trouve que c’est pire quand c’est une femme qui me dit ça qu’un homme. On s’est déjà fait blaster par une femme en ligne en compétitif qui était groupé avec d’autres gars. Ça m’a tellement affecté que je suis allé faire une recherche sur le sujet et apparemment que c’est un phénomène : certaines femmes qui sont habituées à être la seule femme gameuse dans des groupes d’homme sont souvent reconnues comme étant une bonne joueuse par les membres de son groupe, mais dès qu’elles voient d’autres femmes elles sentent le besoin de les rabaisser pour se sentir comme LA vraie gameuse girl. Et nous ce qu’on veut vraiment faire c’est démontrer qu’il faut travailler ensemble, c’est toutes les filles qui devraient se monter soutenir. Et c’est ce qu’on essaye de faire.
Avec Overwatch, avez-vous vécu des traits toxiques particuliers qui reviennent de fois en fois ?
Véronique : C’est tout le temps les mêmes insultes.
Annie : Retour dans ta cuisine, fait moi un sandwich, ton chum a monté ton personnage, tu es une Mercy main. C’est tout le temps la même affaire.
Est-ce que c’est vrai que les femmes dans Overwatch sont toujours considérées comme les personnages qui doivent supporter ?
Annie : Le stéréotype attaché à ça est malheureusement présent dans la communauté. Et même parfois je me sens mal, parce que quand personne ne prend support dans d’autres équipes en ligne, je me sens comme si je devais le prendre pour l’équipe, parce que personne ne va le prendre. Peut-être que c’est plus attrayant pour les femmes de prendre ce genre de personnage, mais ça devrait jamais devenir une obligation.
Camille : Je me fais souvent dire : tu es bonne, mais tant que tu restes support, parce que tu es une Mercy main. Ou même je joue Ana et on me demande pourquoi je ne suis pas Mercy, parce que c’est sûr que tu ne seras pas bonne avec ton fusil.
Nadéa : Quand les gens font des commentaires comme ça, j’essaye de le voir d’une manière un peu drôle. J’essaye de l’assumer et de ne pas m’en faire. Des fois, il y a juste rien à dire, pis ils ne disent rien et la partie continue. [Rire].
Bree : Je trouve que oui. Les rôles DPS sont souvent joués typiquement par des hommes. Pour ma part, je joue DPS et on me dit souvent de prendre Mercy. Et je leur dis : est-ce que je peux jouer le rôle que je veux ? J’ai carrément passé des centaines d’heures dessus !
Annie : Parfois c’est juste une question qu’ils entendent ma voix, ne regardent même pas mon profil puis assument que je dois jouer Mercy. Et pourtant je suis tank principalement.
Bree : Parfois, ça peut générer beaucoup d’anxiété. Je joue fréquemment accompagner pour ces mêmes raisons. On me dit souvent que je me fais booster par mon chum. Je n’ai même pas de copain, je suis lesbienne ! [Rire].
Avez-vous déjà perçu de la toxicité entre femmes dans une même équipe ?
Véronique : Pour le moment, je considère qu’on s’en sort très bien pour ce qui est de la non-toxicité dans l’équipe. On a un bon esprit d’équipe. On se soutient et on s’écoute. On ne veut pas laisser ça rentrer dans l’équipe. Je pense que ça serait une raison d’expulsion. C’est la responsabilité de chacune et aussi des managers, de s’assurer que son équipe joue et interagit professionnellement. À la fin d’un match, on serre la main de l’équipe opposée. Ce genre de pratiques peut paraître anodine, mais c’est ça qui établit une sorte de respect entre les deux équipes et c’est important de le maintenir. Au niveau de l’équipe aussi c’est du support qu’on a besoin. Quand tu es en compétition, tu ne peux pas te permettre de ne pas faire confiance à tes alliées.
Stéphanie : Et la façon que nous on a commencé, on s’est rencontré en personne au Meltdown, on s’est bien entendu et on a ensuite décidé de jouer ensemble. Ensuite on a fait des try out pour trouver d’autres filles, mais on a aussi pris en compte la personnalité des femmes, ce n’était pas une question de c’est qui qui a le plus haut niveau, mais bien est-ce qu’on se sent bien avec cette personne.
Que pouvons-nous attendre pour vos futurs projets ?
Stéphanie : Bien que nous faisons des conventions et des compétitions comme le Lan ETS, nous prévoyons faire au printemps 2019 des sessions ouvertes à tous sous forme de rassemblements. Nous ne sommes pas encore certaines du format, mais on souhaite faire quelque chose qui est ouvert au public. Pas nécessairement juste pour jouer, mais aussi pour se réunir, faire un Q&A, discussion, panel, etc.
Camille : C’est aussi un événement qui permettrait de promouvoir notre mission et faire du réseautage.
Pour rester à l’affût des nouvelles des Sailors Scouts, vous pouvez les suivre directement sur Discord, Twitch, Twitter, Instagram, YouTube et Facebook.