Développer des jeux mobiles, une affaire de cœur

Le développement de jeux mobiles offre de beaux défis

Nous avons récemment été interpelés par différents discours concernant le secteur du mobile. En effet, il apparait que ce domaine, pourtant en constante évolution, n’est pas en odeur de sainteté notamment auprès des développeurs plus « traditionnels » et issus du monde PC et consoles. « Les jeux mobiles ne sont que des petits jeux », « expérience moindre », « les joueurs (de jeux) mobiles ne sont pas des vrais joueurs », « moins de défis », « moins bon pour mon égo », on vous en passe et des meilleures. Autant dire que toutes ces affirmations sont fausses, et il est temps de dire pourquoi. Pour ce faire, nous avons mené l’enquête et interrogé des développeurs issus du jeu mobile à Square Enix Montréal, qui a généreusement accepté de nous ouvrir les portes virtuelles de son studio (merci Nedjma !).

Voyons ensemble comment le développement de jeu mobile se déroule au Québec et à Montréal, les défis stimulants auxquels ils et elles sont confrontés au quotidien, les perspectives d’évolution, comment le jeu mobile a changé,… Bref, nous tenons à redorer le blason de ce pan de l’industrie du jeu vidéo trop souvent mis dans un coin.

Des défis aussi stimulants qu’enrichissants

La plupart de nos intervenants viennent du monde consoles/PC. Ils connaissent donc le développement de AAA sur ces plateformes mais sont tous ravis d’avoir opté pour le développement sur mobiles. L’une des raisons qui est revenue le plus souvent concerne les défis quotidiens tout aussi stimulants si ce n’est plus que dans les pendants AAA comme nous l’explique Benjamin Hervé, programmeur généraliste en chef : « Comme les équipes sont plus réduites, on a tendance à porter plusieurs casquettes pour répondre à tous les défis d’une production mobile. On est amené à avoir une vision globale de ce qui se passe, contrairement à du développement AAA où l’on va se spécialiser dans un domaine très précis en ne se préoccupant pas ou moins de ce qui se passe autour. »

Benjamin Hervé – Programmeur généraliste en chef – Crédit : Square Enix Montréal

Éliane Prégent, artiste VFX technique ajoute : « De mon côté en tant qu’artiste VFX technique, je fais le lien entre la partie artistique et visuelle et la partie technique soit tout ce qui concerne les performances, l’optimisation,… le travail est donc très différent chaque semaine et c’est ce que j’aime. Pouvoir être en mesure non seulement d’identifier des problèmes mais aussi de pouvoir les régler ou de savoir à quelle personne demander. »

Éliane Prégent – Artiste VFX Technique – Crédit : Square Enix Montréal

Nicola Godin, producteur associé vient aussi de l’univers console mais se sent plus stimulé et motivé depuis qu’il travaille sur mobile au sein de Square Enix Montréal : « Mes défis quotidiens sont plus intéressants depuis que je travaille dans le mobile surtout grâce à la taille réduite de l’équipe comparée à d’autres secteurs de l’industrie du jeu vidéo. Je peux plus m’asseoir avec mes collègues et discuter avec eux du projet pour avoir une vue d’ensemble et ainsi identifier les différents éléments dont nous allons avoir besoin pour mener notre projet à bien. »

Nicola Godin – Producteur associé – Crédit : Square Enix Montréal

Kael Lazla, le directeur des opérations en direct et du marketing, en sait également quelque chose. Cet ancien journaliste jeu vidéo pour des magazines français de renom comme Consoles+, a commencé son expérience de l’autre côté du rideau comme testeur pour un studio de jeu mobile montréalais du nom de Gamerizon. Puis au fil du temps, il a gravi les échelons pour devenir Directeur Marketing : « En fait nous étions un tout petit studio avec un titre PC à notre actif Quantz. Suite à cette expérience nous sommes passés sur mobile avec notre jeu Chop Chop Ninja qui a été un succès fulgurant. Ce que j’aime de l’industrie du mobile, c’est cette liberté d’action en termes de campagne marketing même si ça a bien évolué. Grâce aux réseaux sociaux notamment je peux plus facilement cibler des joueurs à même d’apprécier nos jeux, qui sont désormais des free-to-play, et pourquoi pas de dépenser quelques deniers dedans s’ils en ont envie. Chacun de nos titres ne demandent aucune dépense si on décide de jouer ainsi. De plus, c’est notre rôle, même notre devoir, de faire les meilleurs jeux possibles qui soient fun avant tout. »

Kael Lazla – Directeur Marketing et Opération en direct – Crédit : Square Enix Montréal

Un contrôle créatif sans précédent

L’autre élément qui est revenu constamment dans nos conversation est le contrôle créatif. Qu’il s’agisse du marketing, du design, de la programmation ou de la production, le mobile, grâce à la petite taille de ses équipes, permet un contrôle créatif sans précédent. Nos interlocuteurs sont unanimes sur le sujet : chacun peut s’approprier le projet et ainsi donner le meilleur de soi-même car il devient leur bébé. Il est évidemment plus difficile d’accomplir ceci lorsqu’on est 500 ou plus sur un projet et qu’on gère un élément en particulier. Mais c’est une question de choix.

Des outils similaires

Côté outils, il n’y a pas de grandes révolutions ou même de programmes spéciaux pour les mobiles. La vraie différence avec le monde consoles/PC version AAA, d’après les spécialistes que nous avons interrogés, vient du fait qu’il s’agisse plutôt de moteur tierce partie comme Unreal Engine ou Unity, très populaires dans ce secteur. En effet, les grands studios de ce monde comme Ubisoft, Eidos Montréal ou encore Warner Bros. Games Montréal créent et utilisent leur propre moteur. C’est souvent la partie la plus coûteuse et la plus problématique d’un développement. L’avantage d’utiliser des moteurs existants et éprouvés sont multiples : grande communauté, service client performant (surtout pour Unity qui dispose d’une succursale à Montréal), utilisation aisée et bien plus. Surtout, cela évite à la société de perdre temps et argent donc moins de maux de tête concernant cet aspect. Ces solutions clé-en-main sont extrêmement appréciées par la communauté des développeurs de par le monde et nos interlocuteurs peuvent en témoigner.

Dans la même idée, la production est devenue plus facile grâce aux outils analytiques mis à la disposition des producteurs. Ils peuvent ainsi étudier de manière précise ce que font les joueurs, pendant combien de temps, etc…

Développer sur mobile, un choix avant tout

Comme on s’en doute, développer des jeux sur mobile n’est pas un long fleuve tranquille. De la même manière que les AAA consoles/PC ne sont pas toujours des productions cauchemardesques. Comme le souligne très justement Benjamin Hervé : « C’est un choix. Certains veulent et aiment être des ultra-spécialistes quand d’autres préfèrent avoir un profil généraliste. Mais il sera plus facile pour un touche-à-tout de réussir dans l’industrie du mobile. » Nicola Godin précise : « Certains préfèrent gérer des dossiers plus précis. De mon côté j’ai toujours mieux aimé pouvoir toucher à tout et ainsi m’approprier le projet et pouvoir en être fier en bout de ligne. »

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