Un jeu vidéo, c’est un petit tour de magie. Sous ses yeux, le joueur n’a rien d’autre que des objets faits de pixels et de polygones qui intéragissent selon des lignes de codes.
Pourtant, quand l’illusion est bien ficelée, on se laisse prendre. On a l’impression de vivre dans un monde parallèle, on pleure pour le sort de personnages fictifs et notre coeur se met à battre la chamade.
Mais le problème d’une illusion, c’est que c’est une chose bien fragile. La moindre petite maladresse peut briser l’effet. Et comme on dit, le diable est dans les détails.
Alors, Demon Turf, nouveau platformer 3D signé Fabraz (Slime-san, Skellboy) tient-il ses promesses, ou devrait-on continuer d’éviter les pactes avec le diable?
Beauté infernale
Demon Turf nous met dans la peau de Beebz, une jeune princesse démoniaque qui décide de botter le derrière du roi des démons afin de prendre son trône.
Pour y arriver, elle doit compléter les niveaux de chaque territoire de l’enfer, afin de récolter les piles électriques qui lui permettront d’activer les portails vers les boss qui contrôlent chaque zone infernale.
Je ne vous mentirai pas : ce qui m’a accroché en premier lieu chez Demon Turf, c’est son allure visuelle.
Les personnages et ennemis de l’univers de Demon Turf sont en 2D, mais ils évoluent dans un univers en trois dimensions. C’est un look qui n’est pas sans rappeler Paper Mario, surtout depuis ses dernières incarnations plus platformer.
Je suivais d’ailleurs depuis un moment le développement du titre via TikTok (quelle phrase très 2021), alors que les développeurs partagaient abondamment des images de Demon Turf.
Le souci, c’est que visuellement, le titre n’est pas tout à fait à la hauteur des attentes. Beebz, le personnage principal, est très réussie, mais on ne peut en dire autant des personnages non-jouables, qui ont parfois un look très amateur.
Il en va de même pour les décors. Entre la caméra qui dévoile trop souvent l’envers du décor, sortant des limites du niveau, et certains objets du jeu (notamment les voitures dans New Neo City) donnant l’impression d’avoir été faits à la va-vite, on nous rappelle malheureusement trop souvent que nous sommes en train de jouer à un jeu vidéo.
Se battre comme un démon
Mais assez parlé de l’aspect visuel. Après tout, un gameplay réussi fait oublier n’importe quelle ride.
Qu’en est-il de la prise en main?
Demon Turf est un platformer 3D visiblement inspiré de Mario et cie. Ce qui est très bien; tant qu’à s’inspirer, aussi bien s’inspirer des meilleurs.
Si certains niveaux sont plus linéaires, misant sur les ennemis et obstacles pour offrir un défi aux joueurs, certains niveaux sont plus axés sur l’exploration.
Pour explorer ces niveaux, Beebz peut compter sur plusieurs aptitudes. Elle possède un double saut, qu’elle peut par la suite jumeler avec une transformation en espèce de démon-vis qui lui permet de planer quelques temps.
Il est également possible d’échanger l’ordre de cette séquence de mouvements; si on plane avant le second saut, Beebz fera un saut plus long.
Pour ce qui est du combat, on ne saute pas sur les ennemis; on charge plutôt avec la gâchette une attaque à distance qui permet de pousser les ennemis. Les scènes de combats, distribuées avec parcimonie, demandent habituellement de pousser les ennemis vers des pics ou dans le vide.
Une mécanique plus originale que l’habituel saut, mais pas nécessairement plaisante. La prise en main est un peu glissante, et on a souvent l’impression de gagner (ou de perdre) plus par hasard que par mérite. Ces combats ralentissent également le rythme de façon considérable.
Au fil de l’aventure, on débloque également quatre habiletés; un grappin, une transformation en serpent, qui s’enroule sur lui-même et qui devient une roue qui permet d’avancer plus rapidement, une transformation en corbeau, qui permet de planer beaucoup plus longtemps, et finalement une bombe temporelle qui ralentit le temps sur son site d’explosion.
Ajoutez à celà des zones maudites où certaines habiletés nous sont confisquées (comme le double saut ou le planage), et Demon Turf offre une belle variété.
L’arsenal de mouvements s’enchaîne également de façon agréable, si bien qu’un joueur qui maîtrise parfaitement les mécaniques pourra sauter certaines parties des niveaux.
Petite ombre au tableau : Beebz a tendance à « glisser », un peu comme Luigi dans les jeux plus récents de la série Mario. Il m’est donc arrivé souvent de glisser en bas de plateformes, comme si tout le jeu se déroulait sur une mince couche de glace.
Ce n’est pas un péché mortel, mais certainement un péché véniel (un péché pas si grave que ça, pour ceux qui n’ont pas été élevés dans l’eau bénite).
Généreux et original
Bon, je sais, je dresse un portrait plutôt sombre de Demon Turf jusqu’à maintenant. Mais il serait injuste de ne pas souligner les qualités du titre, parce qu’il en a un bon nombre.
Tout d’abord, la petite équipe réussit à amener certaines idées relativement originales à un genre, le platformer, plutôt formaté.
Dans Demon Turf, vous êtes responsable de vos propres points de sauvegarde. Vous pouvez les plaer à l’endroit de votre choix, mais ils sont en nombre limité.
Il vous faut donc développer une stratégie de gestion de risque; est-ce que j’essaie de compléter ce prochain segment avant d’utiliser un checkpoint, quitte à perdre un bon progrès, ou au contraire, est-ce que je préfère sauvegarder mon progrès tout de suite, au risque de ne plus pouvoir le faire plus tard.
Une mécanique originale qui peut causer son lot de frustrations, mais qui apporte un élément de stratégie qui permet à Demon Turf de se distinguer.
La durée de vie est également impressionnante; on propose 28 niveaux, chacun prenant de 5 à 15 minutes à compléter environ. Une fois chaque zone complétée, chacun de ces niveaux se voit transformé en une nouvelle version, plus difficile et proposant de nouvelles mécaniques.
Et ça, c’est sans compter les niveaux finaux, et les cinq combats de boss, plus certains niveaux secrets, et les différents mini-jeux offerts.
J’ai passé une vingtaine d’heures sur le titre pour réussir à battre le boss final, et je suis loin d’avoir tout complété.
Parsemés dans les niveaux se cachent également des gâteaux et des suçons, qui servent tantôt à modifier l’apparence de notre personnage, tantôt à acheter des mods qui modifient la prise en main du titre.
L’enfer est pavé de bonnes intentions
Au final, Demon Turf témoigne de l’ambition de Fabraz, la petite équipe derrière le titre. Le titre démontre une belle maîtrise des mécaniques des jeux de plateformes en 3D, offre un contenu généreux et apporte quelques nouvelles idées.
Mais l’ensemble est plombé par une présentation inégale et une prise en main trop souvent frustrante qui viennent tempérer notre envie de s’abandonner au monde de Demon Turf.
On vous propose plutôt de vous tourner vers Slime-San, un titre du même studio bien plus réussi.
Note : un code PS5 pour le jeu nous a gracieusement été remis par l’éditeur à des fins de critique.
Verdict
Les plus
- Des idées originales
- Un arsenal varié
- Un contenu généreux
Les moins
- Une présentation inégale
- Une prise en main trop souvent frustrante
- Des combats qui nous laissent sur notre faim