Ubisoft Montréal a frappé dans le mille avec Rainbow Six Siege. Malgré un départ tumultueux qui a failli tué le jeu, les développeurs n’ont jamais lâché le morceau. Aujourd’hui, c’est devenu un incontournable du genre GAAS et FPS, avec une communauté impressionnante et une scène compétitive en bonne santé. Désireuse de capitaliser sur un tel succès, Ubisoft a eu l’idée de créer un spin-off : Rainbow Six Extraction. Dans une industrie où le manque de créativité au sein des productions AAA est souvent décrié, comment se positionne un tel effort?
Extraire ses franchises jusqu’à la dernière goutte
Extraction est l’aboutissement d’une réflexion amorcée en 2018 avec l’événement Outbreak de Rainbow Six Siege. L’idée était d’affronter des hordes d’ennemis infectés au virus Chimera dans un mode à la Left 4 Dead. Le niveau Truth or Consequences était divisé en plusieurs sections séparées par des chambres sécurisées pour souffler un peu. Les différents agents pouvaient trouver des caisses de munitions, de santé, de recharge de gadget et de renforcement. Ils devaient accomplir différents objectifs pour progresser, généralement défendre une zone.
Quelques années plus tard, nous avons ce qui est essentiellement une version plus étoffée de ce concept en Rainbow Six Extraction. Au lieu de combattre des infectés, la menace nous vient de l’espace avec les Archéens (à ne pas confondre avec les Prothéens de Mass Effect!). Le nombre d’agents passe de 10 à 18 et cette fois, il est possible de les faire monter jusqu’au niveau 10 grâce à l’expérience obtenue sur le terrain.
Le parallèle entre Outbreak et Extraction est impossible à écarter, ce qui mine considérablement la valeur de ce dernier jeu. Depuis son annonce, j’étais sceptique à l’idée d’un spin-off de Rainbow Six Siege qui allait, encore une fois, déroger du genre tactique et sérieux auquel se rattachait la série à une certaine époque. Tout au long de mon expérience, j’ai eu du mal à qualifier Extraction comme autre chose qu’un DLC glorifié.
Deux pas en avant, trois en arrière
Un des problèmes majeurs de Rainbow Six Extraction est son manque alarmant d’un scénario intéressant, ce qui crée un effet domino sur tous les autres aspects du jeu. C’est générique à souhait (humains bons, extra-terrestres méchants) et même au niveau gameplay proprement dit, il y a tellement d’éléments recyclés que s’en est gênant. Les agents, au cœur de l’action, ont un effet somnifère. Les différentes habiletés à débloquer sont ennuyantes, quand ce n’est pas tout simplement d’avoir accès à une nouvelle arme ou gadget. Hourra. Aucune créativité de ce côté.
Certains réfuteront ma position en soulignant que le jeu est campé dans un certain réalisme pour les agents. Après tout, ce n’est pas comme si les membres de la Rainbow Exogenous Analysis and Containment Team (REACT) avaient eu le temps de développer des technologies avancées pour combattre les Archéens. N’empêche, je plains une progression qui n’est pas satisfaisante du tout, non seulement pour les agents, mais pour l’ensemble de l’œuvre.
Sortez-moi d’ici!
Rainbow Six Extraction est un jeu en PVE (joueurs contre environnement) qui, malgré la présence d’un mode solo plutôt anémique, ne nous permet pas de jouer hors-ligne. Je me questionne donc pourquoi payer un tel prix (sauf sur Xbox Game Pass) pour obtenir un jeu qui aurait très bien pu se contenter d’être free-to-play. Ou une extension de Rainbow Six Siege. La narration n’est pas robuste et le plus clair du temps passé dans le jeu est à répéter les mêmes objectifs ad nauseam. Comme un jeu gratuit.
Je le répète : ces objectifs ne sont pas intéressants du tout. Il y en a même un particulièrement horrible. Voyez-vous, dans Rainbow Six Extraction, lorsque vous tombez au combat pour la deuxième fois (0 PV) vous activez une mousse protectrice qui sert à protéger l’agent contre les Archéens. La mission se termine, votre agent est perdu et vous devez le récupérer en rejouant avec un autre agent. Au hasard, un objectif de récupération d’agent peut se présenter parmi ceux de la carte sélectionnée. Une fois devant ledit agent, capturé par un arbre Archéen, vous devez le libérer de cette prison bizarre pour ensuite le transporter jusqu’à un caisson de récupération. Jusque-là, ça va.
Malheureusement, l’arbre Archéen est peut-être l’un des pires mini-jeux qui m’a été donné de voir dans un FPS. En solo ce n’est pas si mal : vous devez tenir enfoncé la bouton Carré (PS5 ici) et éviter que l’énergie archéenne (un peu comme de la sève nocive) atteigne le tronc d’arbre et ne tue l’agent. En multi, cet arbre possède plusieurs branches (au moins 5-6), ce qui nécessite une coordination totale des trois coéquipiers : un qui tire l’agent de sa prison, et les deux autres qui tirent sur les boules d’énergie.
Le hic, c’est que la coordination avec des joueurs aléatoires, ça ne fonctionne guère. L’objectif allonge les parties de plusieurs minutes inutilement, sans compter toutes les frustrations qu’il provoque (en plus de réveiller la toxicité bien connue chez les joueurs de la série Rainbow, déjà!). Et encore, je vous épargne mes impressions de l’objectif Singularité et son boss-éponge-aux-balles aux attaques imparables. Du beau gros fun.
Hardcore sans raison
J’ai souvent eu l’impression que Rainbow Six Extraction a souffert au niveau conceptuel. Certaines décisions ne font aucun sens, et la question de la difficulté en fait partie. On pourrait même aller jusqu’à dire que ce spin-off singulier adopte des éléments du genre roguelike, souvent associé à un niveau de défi impitoyable.
Dans Rainbow Six Extraction, chaque agent débute avec 100 points de vie. Sans doute pour encourager l’utilisation de plusieurs agents, Ubisoft a eu la bonne idée de ne pas restaurer les PV à la fin d’une mission. Résultat? On doit sauter d’un agent à l’autre par obligation plutôt que par choix. Même si Lion a encore 20 PV à la fin d’un scénario, je suis pénalisé puisqu’il est blessé. Génial.
Et n’allez pas croire que je peux mitiger cette facette du jeu avec les kits de santé disponibles dans un niveau : ce n’est qu’un boost temporaire! Vous avez donc effectivement des PV permanents et temporaires. Après, ce ne serait pas la fin du monde si Rainbow Six Extraction me donnait envie d’explorer toutes les possibilités de combat avec différents agents, ce qui n’a clairement pas été le cas. Vous voyez un peu le cercle vicieux avec ce dont je parlais plus tôt au niveau des habiletés?
Une expérience ratée
Les labos d’Ubisoft avaient tous les ingrédients pour créer un jeu mémorable en s’appuyant sur une franchise connue. Rainbow Six Extraction n’est rien de ça, incapable de nous motiver à investir beaucoup de temps dans son univers générique d’extra-terrestres. C’est dommage, car la présentation du jeu est bonne et il y a de ces rares moments où l’atmosphère parvient réellement à s’installer… mais toujours de façon éphémère. Le design des monstres est lui aussi réussi en majorité.
Une refonte complète du jeu serait nécessaire pour me ramener dans son univers. Et comme j’en ai un souvenir peu flatteur, je ne pense pas que ça va arriver. Comme moi, je prédis que la communauté se rendra compte bien vite que ce spécimen n’est pas voué à un avenir prometteur.
Verdict
Les plus
- Une présentation somme toute soignée
- Quelques moments intenses
Les moins
- Impossibilité de jouer hors-ligne
- Le mode solo est peu balancé et maigrichon
- Pauvreté globale des habiletés pour les agents
- Diversité médiocre des objectifs à réaliser
- Niveau de difficulté élevé et frustrant qui découragera bien des joueurs
- Très (trop) générique