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À qui s’adressent Pokémon Brilliant Diamond et Pokémon Shining Pearl?

Pokémon, c’est confortable. Aussitôt qu’on voit un professeur nous demander notre sexe, on se sent déjà dans nos pantoufles (même si c’est tout de même étrange comme moment). On sait à quoi s’attendre dans cette série qui, ironiquement, n’a presque pas évoluée depuis ses débuts, il y a plus de 20 ans. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit carrément d’un remaster. Au lieu d’en faire la critique, je propose qu’on s’assoie un instant et qu’on se questionne sur le statut actuel de la franchise. Soyons francs, les fans n’ont pas besoin d’une critique pour savoir s’ils doivent se le procurer : ils l’ont probablement déjà terminé!

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé au Japon : 1,3 million de copies physiques de Pokémon Shining Pearl et Pokémon Brilliant Diamond se sont écoulées lors des trois jours suivant sa sortie (excluant les copies numériques). Il obtient donc la deuxième place pour le meilleur premier week-end pour un jeu de Nintendo Switch au Japon, derrière Animal Crossing: New Horizons. Si vous vous demandiez pourquoi la série ne se sent pas obligée de pousser l’enveloppe, on a la réponse : pas besoin de faire d’effort quand un remaster est un succès commercial instantané! Brilliant Diamond et Shining Pearl sont respectivement les 33e et 34e entrées dans la série principale. Ne sentez-vous pas qu’on serait dû pour un changement?

Les remasters de Pokémon, ça a toujours existé. Ils sont même d’une constance inquiétante. Chaque jeu a automatiquement droit à une version remasterisée deux générations de console plus tard.

  • Red & Blue (GameBoy)? FireRed and LeafGreen (GameBoy Advance)
  • Silver & Gold (GameBoy Color)? HeartGold and SoulSilver (DS)
  • Ruby & Sapphire (GameBoy Advance)? Omega Ruby and Alpha Sapphire (3DS)
  • Diamond & Pearl (DS)? Brilliant Diamond and Shining Pearl (Switch)

Les nouvelles versions de Diamond & Pearl n’existent donc pas parce qu’elles étaient des entrées marquantes dans la série, dont les fans passionnés demandaient une réédition : elles existent parce qu’on est rendu là dans la liste, parce qu’il faut le faire, parce que c’est inévitable.

De bons remasters

Pas que je m’oppose à Shining Pearl et Brilliant Diamond. En soi, c’est un bon remaster. Son style chibi mignon est parfaitement à cheval entre le respect du style original sur Nintendo DS, et un look plus moderne grâce à des effets d’éclairage réussis et à un léger flou au bord de l’écran comme dans The Legend of Zelda: Link’s Awakening. Il vieillira bien, mieux qu’un Sword & Shield avec trop de détails qui essoufflent visiblement les capacités techniques de la Switch.

Quelques fonctions présentes dans les Pokémon plus récents ont été ajoutées à cette version de Diamond/Pearl et améliorent réellement l’expérience de jeu. Le simple fait de pouvoir changer notre équipe sans se rendre à un Pokémon Center est génial. On peut déplacer les créatures de notre équipe vers nos boîtes de rangement virtuelles (et l’inverse) à n’importe quel moment à l’extérieur des batailles.

Le partage des points d’expérience nous aide à garder les Pokémon de notre équipe à un niveau semblable sans être obligés de les faire participer à la bataille. Ça élimine le grind pénible des débuts de la franchise. (Tous ces moments à sortir votre foutu Metapod dans un combat avec l’espoir qu’il se transforme un jour en Butterfree… )

La section souterraine de Diamond & Pearl a été revisitée : elle contient maintenant de grandes pièces contenant des Pokémons; ceux-ci sont visibles, comme dans Sword & Shield. C’est donc l’endroit rêvé pour remplir son Pokédex, ou entraîner ses créatures. Mieux encore, on peut aller n’importe où, n’importe quand grâce à un item dans notre inventaire.

Diamond & Pearl contenaient aussi quelques mini-jeux intéressants, comme les concours de beauté sous forme de jeu de rythme, et une sorte de Picross simplifié dans l’underground. Ces modes sont aussi de retour dans ce remaster..

C’est donc loin d’être un mauvais Pokémon, mais même ce remaster conserve des gros défauts qui sont présents dans la franchise depuis le tout début. Je sais, le facteur nostalgie pèse beaucoup dans la balance, mais ouvrons-nous les yeux un moment et reconnaissons ses points faibles. 

Pokémon, c’est toujours pareil

Le scénario est très faible, les dialogues sont toujours aussi insipides. Le monde Pokémon est peuplé de NPC qui ont rarement autre chose à vous dire qu’un conseil de gameplay ou une phrase vide sans aucun intérêt de style « I am error ». Les habitués savent que ces NPC nous donnent parfois des objets utiles (ou même essentiels) : on se sent donc obligé d’endurer ces centaines de bulles de small talk douloureuses.

La trame narrative reste la même depuis 22 ans : on dit au revoir à notre mère, un professeur nous remet notre Pokémon de départ, un ami avec un problème d’attitude devient notre rival, on parcourt la carte pour battre chaque chef de gym pour obtenir leur badge, et on croise au passage une équipe de super-vilains sans personnalité qu’on devra affronter à répétition, pendant qu’un Pokémon légendaire nous attend à la fin de l’aventure.

Le système de combat est vieillot, peu stratégique. Jusqu’au troisième gym, je tuais la plupart des Pokémon en un seul coup. Une attaque de feu sur les Pokémon insecte, une attaque d’eau sur les Pokémon roche, une attaque vent sur les Pokémon combat, et c’est réglé. Pas de décisions stratégiques, de combos d’attaque ou de calcul des points de vie : juste des one-hit kills pendant 10 heures.

20 ans plus tard, on est inondé de jeux aux combats uniques et prenants. De temps à autre, je ne peux pas m’empêcher de me lancer une petite partie de Slay the Spire, Dicey Dungeons, ou Monster Train. Pas pour leur scénario ou leur style visuel, mais plutôt pour leur système de combat qui est TOUJOURS excitant, stratégique, évolutif, et bourré de décisions lourdes en conséquences. 

Et si nous avions plusieurs Pokémon aux combats qui pourraient utiliser des attaques en synergie? Et si on avait droit à plus que quatre attaques? Et si nous avions à jongler entre la défense et l’offense autant que dans Slay the Spire?

Bon, je sais très bien que ce n’est pas les remasters qui révolutionneront un système de combat implanté depuis des décennies. Le point étant que le combat en soit n’apporte pas de réelle satisfaction stratégique.

Les Pokémon sont répétitifs. Brilliant Diamond/Shining Pearl contient peut-être 493 Pokémon, mais vous n’en croiserez que 151 tant que vous n’aurez pas battu l’Elite Four et complété votre Pokédex. Ça veut dire que vous rencontrerez beaucoup de Geodude, de Budew et Zubat pendant vos 20 à 30 premières heures de jeu. On a donc aucun sentiment de découverte ou d’excitation lorsque les batailles se déclenchent. Dommage, quand on sait que le catalogue complet contient maintenant 898 créatures uniques…

Mauvais pacing. Un autre élément qui rend les combats lassants, c’est qu’ils sont mal distribués sur le parcours obligatoire de la campagne. Soit on croise 10 entraîneurs de suite aux Pokémons semblables, soit on est dans une longue section sauvage où les créatures nous sautent au visage sans cesse (grottes, hautes herbes). On peine à prendre notre souffle entre chacun : la répétition m’enlevait le goût de participer à de longues séances de jeux.

Que reste-t-il quand ni le scénario, ni les combats, ni la collection nous motive à continuer?

Pourquoi pas un Diamond and Pearl 2?

Ce n’est pas pour rien qu’il y aura bientôt quatre types de RPG Pokémon disponibles sur Switch. Ils s’adressent chacun à un public différent.

  • Pokémon Let’s Go? Point d’entrée pour les fans de Pokémon Go
  • Pokémon Sword & Shield? Fans de longue date qui veulent quelque chose de nouveau
  • Pokémon Shining Pearl et Pokémon Brilliant Diamond? Les nostalgiques qui veulent se sentir confortables
  • Pokémon Legend Arceus? Le pont entre BDSP et Pokémon Sword/Shield

On comprend donc que ce Diamond/Pearl va à la pêche aux nostalgiques, mais le problème, c’est qu’un remaster comme celui-ci traîne les défauts mentionnés ci-haut depuis sa sortie initiale. La grosse déception, c’est qu’il y aurait eu de la place pour une « suite » qui aurait gardé le même style, mais qui aurait pu enfin proposer un scénario intéressant, un plus grand Pokédex et peut-être même une amélioration des mécaniques de combat, pour en faire une version rétro ultime de Pokémon.

C’est le retour du « syndrome Nintendo » : celui qui nous donne le strict minimum chaque fois, qui empêche de rendre l’expérience incontournable alors que ça ne demandait qu’un tout petit peu plus d’effort.

Je ne suis donc pas certain de pouvoir recommander Pokémon Brilliant Diamond et Shining Pearl à n’importe qui. Vous devez vous sentir nostalgique et avoir un certain attachement à la franchise pour ignorer ses défauts. À environ deux mois de la sortie de Pokémon Legends: Arceus, peut-être vaut-il mieux attendre de voir si cette nouvelle mouture par Game Freak viendra brasser les cartes?

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